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LIVRE V

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CHAPITRE PREMIER

LE DANEMARK I

Le gardien des portes de la Baltique, petit État auquel appartiennent l'Islande et les Fârôer, et même, dans le Nouveau Monde, les vastes éten- dues inhabitées du Grœnland et trois Antilles, n'est plus qu'un débris historique. De tous les royaumes d'Europe, le Danemark est, à l'excep- tion de la Grèce, le moins considérable par le nombre de ses habi- tants'; encore est-il bien inférieur à l'Hellade, si l'on tient compte des hommes de même race, solidaires par l'origine et par la langue, qui vivent en dehors des limites officielles de la contrée. Tandis que les Grecs des îles, de la Thessalie, de l'Épire, de la Thracc, de la Macédoine, de

1 Su|ierficie du Daiiemnrk. l'opul.ilinn en 1S7G. l'ofiulalion proljablo l'ii 1879. Population kilométrique

58 257 kilonièli es carres. 1 903 OOU haljilanls. 1 U75 UOO habilaiils. 52 habilanl.^^.

? NOUVELLE GEOGRAPHIE UNIVERSELLE.

l'Asie Mineure, sont beaucoup plus nombreux que ceux du royaume pro- prement dit, et peuvent lutter de concert avec eux pour l'accomplissement de ce qu'ils appellent la « grande idée », les Danois, refoulés dans leur étroit domaine, n'ont de l'autre côté de leurs frontières qu'un petit groupe de concitoyens. Ceux-ci restent désormais privés de leur autonomie natio- nale, malgré les stipulations d'un traité solennel, que l'Allemagne se croit maintenant autorisée à violer. 11 est vrai que les populations inté- ressées ne l'ont point dégagée de son devoir ; mais elle considère comme suffisant de s'être fait autoriser par l'Autriche, cosignataire du traité. Deux puissances se partagent la responsabilité pour la violation du dniil, une en a le profit.

Simple fragment d'une terre démolie qui réunissait autrefois la Scandi- navie à l'Allemagne du Nord, le Danemark s'est trouvé par son histoire en rapports constants avec les deux pays voisins. Il posséda jadis une grande étendue des côtes de la Baltique, l'Eslhonie même. En 1597, il se mil à la tète de l'Union Scandinave, par l'union de Kalmar, et jusqu'en 1814 il posséda la Norvège; au sud de la Baltique, divers territoires devenus allemands lui appartinrent aussi, et récemment encore des terres germaniques, le Holstein, le Schleswig méridional, le Lauenburg, faisaient partie intégrante de la monarchie. Aucun peuple d'Europe ne fit au- tant do conquêtes que le peuple danois, car c'est du Jylland et des îles, aussi bien que des ijords de la Norvège et de la Suède, que sor- taient les conquérants connus sous le nom de Normands : ils se mon- trèrent et s'établirent partout en vainqueurs, dans les Iles Britanniques, sur les côtes de France, sur les bords de la Méditerranée et jusque sur les côtes septentrionales du Nouveau Monde, découvert par des Scan- dinaves longtemps avant Colomb. Le Danemark serait certainement devenu le centre d'un immense empire, s'il avait eu plus de cohésion géographique et de plus vastes dimensions. Mais l'étroite péninsule du Jylland, couverte de forêts et de landes infertiles, les îles éparses de la Baltique, et le littoral norvégien, dépourvu de tout territoire agri- cole, découpé par les fjords en d'innombrables fragments distincts, n'avaient point un noyau suffisant pour que les conquêtes faites au dehors pussent s'agréger autour de la mère patrie ; elles devaient rester sans cohésion, sans lien, comme les contrées mêmes d'où s'étaient élancées les bandes d'invasion. Les pays danois n'avaient d'unité natu- relle que par l'Océan tempétueux qui baigne leurs rivages.

Jadis, du moins, le Danemark avait l'avantage de posséder toutes les portes de lu Baltique et de coiuiuander ainsi l'cîMtrée de cette nior

l'Kl l'i.i; IIA.MMS, l'KM^SlII.K lUi .n LLA.Mi 3

iiilcTiiMiir; dosoriuais ce |irivilt'i;(' sli';il(';^i(|iic est illusdicc l.c Siiiiil ira|i|iarliiMil au Daiu-niark (|U(' par l'uiu' ilc s<'s rives; à smi ciiliV'c mr- ndioiiale. le IVlit J'.cll .'sl (ktii|1(' jiar la l'iiissc, ,1111 lumri'ail en iiioiiis lie \iiii;l-(|iiali'(' Ik'iiics l'airc cainiu'r une ai'iiuV sur les rivages s('|it('n- Iriiinaiix du délioil. Ouaiit au (iraiid liclt, lariivmont ouvcrl cuire Fycu t'I Sjiillaud. il iieul Jtre tourné par des armées, et les Huiles de i^uerre le loreeraient sans peine. Ainsi le peuple danois se trouve livré d'avance aux eulrepiises des puissants voisins. Mais, quel que soit l'avenir auquel il esl desliné. ce n'en est pas moins un groupe d'hommes énergiques, a\anl son droit, sa langue ])ropre, ses traditions, ses espérances, son es|)rit de solidarité nationale.

II

l.a péninsule du Jylland, de même ipie l'archipel danois de la Balti(|ue, appartient géologiquement aux deux régions, l'Allemagne et la Scandi- navie. Tonte la partie méridionale de la péninsule continue la plaine de la Germanie du Nord, recouverte des innombrables débris de roches erra- tiques ; mais dans la partie la plus large du Jylland s'étendent des forma- tions d'âge antérieur, couches miocènes et crétacées, dont les dernières s'avancent entre Aarhus et le fjord de Randers, pour re})araîlre au sud-est dans l'île de Sjâlland. ]iuis, an delà du Sund, dans les pro- montoires extrêmes de la Scanie. Ces masses résistantes ont servi de point d'appui aux terres de formation moderne, après les grandes érosions qui ont eu lieu à l'issue de la Baltique.

Au nord de la frontière allemande, le faîte général de la péninsule con- tinue de longer la côte orientale, de moins près que dans le Schleswig- Holstein. Les rivières du Jylland, qui s'écoulent de part et d'autre vers le Kattegat et vers la mer du Nord, ont leur ligne de partage plus rapprochée de l'axe géométrique de la presqu'île que les cours d'eau du Schleswig; mais les deux versants diffèrent beanconp dans leur aspect et présentent le même contraste que sur le leniluire germanique : la pente occidentale est uniforme et s'abaisse doucement ; la pente orientale est plus sou- daine, plus inégale, plus variée : le soi lui-même contraste comme les rivages, à l'ouest tracés régulièrement en longues plages à peine in- fléchies, à l'est d(Vonpés eu lj<n-ds et s'avan(;anl v\\ promontoires.

Les collines de la n'giou du Jylland lournées \ers le Kattegat appar- liennenl piiur la plupart à la lonnalion d( s leiiains de (rans|iorl el se

i NOUVELLE GEOGRAPHIE UNIVERSELLE.

composent surtout de sable, d'argile, de marnes, provenant des débris du granit, du gneiss et de la craie. Des blocs, des graviers d'origine glaciaire, recouvrent çà et les coucbes plus anciennes. Ces collines ne se déve- loppent point le long de la mer en rangées continues : elles s'élèvent en massifs distincts, dont plus d'un sommet dépasse la hauteur de cent mètres : aux yeux des habitants de la plaine basse ce sont de véritables montagnes. Immédiatement au nord de la frontière germanirpie, entre Christiansfeld et Kolding, un de ces massifs, le Skaramlingsbanko, se dresse à l!20 mètres au-dessus des eaux tortueuses du Petit Belt; d'autres

D'aorcs la carte topographi

croupes s'élèvent entre les deux fjords de Vejle et de Ilorsens; de j)lus hautes dominent au sud la cité d'Aarhus. Cette région des collines orien- tales est très fertile, et les hêtres y trouvent un terrain favorable : d'admirables forêts recouvrent les hauteurs et descendent jusqu'au bord de la mer.

A l'ouest des petits massifs de collines des bords du Kattegat s'élève le groupe culminant de tout le Danemark, dominé par l'Ejersbavsnehôj, haut de 180 mètres'. Un autre sommet, la « Montagne du Ciel » ou Himmelbjerg, qui s'élève au nord-ouest, est moins haut de 10 mètres, mais il est plus connu, grâce à la vue grandiose que l'on a de la

Ed. Erslev, Fœdrelandet, 1872.

COLl.l.NES ET HULiVKlUiS nu JM.LAM). 7

len-assc la |iln^ haulc. \.c (iud.naa, la liviriv la |i1ms ;il,.,ii(laiilc du |iays. ibiaiic doux nraiids lacs à la ha>c iiu'iididriali' du lliiiiiiiclliicij; ol'par dclA s'.'t.Mtd un vaste li.nizoïi de landes, de lieis, de eullures, (le laes et de villa-es. heiné an loin par la ligne eiirulaiiv de la mer. Au iKinl de la couiuire bizarre du Lini-ljord. les collines se redressent (le nouveau pour ibrnuM- une V(''rilalde anMe. le < Dos du Jylland > {.]i/sl;c Ails).dou[ le princijial sonunel alleini la hauteur de 120 mètres el (pii s'amincit peu à peu vers la pointe de Skagon. Le faîte du Jysk(> .Vas est. comme celui de la pc'ninsule font entière, jusqu'à la TiMve, beaucoup plus rapproché de la mer inli'rieure que de rOc(^in. Une des |dus hautes croupes, dominant au sud la ville de Frederikshavn. se dresse nK'uie immt'- dialement au-dessus des Ilots de la Baltique. Au bord de la mer du A'ord se voit aussi une colline, le Bulbjerg, roche crayeuse complètement isolée. Tout le versant occidental du .lylland, des deux côtés des golfes du l.im-ijord ou Liim-fjord, n'était jadis qu'une vaste lande doucement in- clinée vers l'Océan, jusqu'aux dunes du littoral. La culture a changé eu beaucoup d'endroits l'aspect de la plaine, surtout dans le voisinage des ruisseaux; mais elle se montre encore sur de vastes étendues telle qu'elle était avant la construction des routes et des chemins de fer, avant l'emploi de la charrue, des amendements et des engrais artiliciels. Le pays est en tout semblable au geest de l'Allemagne du Xord, a^^\ lieidcii de la llrenthe et de la Veluwe, et rappelle les landes françaises, autant que le permettent les différences du climat et de la flore. Dans le Jylland aussi, les teri'es sablonneuses sont revêtues de grandes bruyères et d'autres plantes ligneuses croissant en épais fourres; des flaques d'eau sont éparses sur les terrains dépourvus de pente ; des tourbières se forment peu à peu à la place des anciens étangs ; comme dans les landes de Gascogne, les débris des végétaux s'amassent en couches noirâtres sous les buttes de sable qui les recouvrent ; partout, sous les couciies supérieures, le sous-sol, saturé du tannin des bruyères, forme une plaque dure d'à/, Valios des landes françaises, auquel se mêle l'oxyde de fer, assez riche en plusieurs en- droits pour qu'il ait été possible de l'exploiter en minerai ; des assises de marne se trouvent aussi dans quelques parties du sous-sol des landes el facilitent l'œuvre de l'agriculteur qui veut conquérir le sable par les amendements. Les dunes du littoral jyllandais ressemblent aussi à celles des côtes françaises, mais elles sont beaucoup moins hautes, puisque les plus élevées ont seulement ."),") mètres ',—■ et renferment une forte

8 NOUVELLE GEOGRAPHIE UNIVERSELLE.

proportion de sable calcaire, ce qui les rend moins mobiles ; elles se sont pourtant avancées plus d'une fois vers l'intérieur de la péninsule, et même tout près de la pointe de Skagen se voit une ancienne tour d'église, reste d'un édifice englouti par les sables avec le village qui l'entourait. Au sud du Lim-fjord, les événements de ce genre, que racontent les chroniques, ont été nombreux : les dunes, plus hautes, n'y sont pas, comme dans le Jylland septentrional, garanties des vents du nord-ouest par le promontoire norvégien de Lindesnîes. De même que celles de France, les dunes danoises ont être fixées par des plantations d'arbres, surtout de pins; on a aussi en maints endroits construire des épis pour consolider le littoral.

Par le tracé de sa côte le Jylland occidental ressemble également aux landes françaises. Sur un développement d'environ 575 kilomètres, la rive de la mer du Nord se compose, non pas, il est vrai, d'une seule plage rectiligne comme celle qui s'étend de Biarritz à la pointe de Grave, mais d'une série de plages faiblement infléchies, qui s'appuient de distance en distance à des points résistants : de saillie à saillie, chaque plage est dessinée nettement en courbe géométrique, comme si le compas avait tracé la ligne viennent déferler les flots du large. Mais en dedans de ces flèches régulières qui forment le littoral maritime, la côte primitive découpe ses contours irréguliers dans l'intérieur des terres. Des étangs, semblables à ceux des Landes, se sont ainsi formés le long de la mer du Jylland : ce sont aussi d'anciens golfes d'eau salée, que les apports des rivières de l'intérieur et les pluies ont changés en réservoirs d'eau douce, et que les alJuvions comblent peu à peu ; ils n'ont qu'une faible profon- deur, et même plusieurs d'entre eux ont des fonds de vase qui, suivant les saisons et les tempêtes, sont alternativement noyés et émergés ; des che- naux navigables, étroites fosses qui serpentent au milieu des bancs vaseux, pareils aux « crassats » de l'étang d'Arcachon, donnent accès aux petites embarcations. Quoique ces nappes d'eau douce soient bien loin de res- sembler aux golfes allongés qui découpent le littoral rocheux de la Nor- vège et la sonde ne trouve le fond qu'à des centaines de mètres, elles ont reçu des indigènes le nom de fjord. L'une des plus grandes, le Ringkjôbing-fjord, qui n'a pas moins de 300 kilomètres carrés de su- perficie, et que la flèche de Klitlandet ou de « Terre des Dunes » sépare de l'Océan sur une longueur de près de 40 kilomètres, ne peut recevoir pourtant que des bateaux de moins de 2 mètres de tirant d'eau, et ceux-ci, qui passent dans un étroit chenal de sortie creusé par le jusant, ne peuvent pas tonjoiiis tViinchir la barre périlleuse de Nyminde-

COTE OCCIDENTALE DU JVLLAN'n, I.IM-F.IOnD. fl

gab, qui so déplace frcqiiommoiit de coiihiiiics et iiicnic de millirrs de mètres. Au nord du Ringkjôbiiig-ljord, dos coiilres sans prolnndciir vont rejoindre le Stadil-fjord, et celui-ci

" DC nî\GhluC!\c. 1 irrpn iv.st m t

communique lui-même par un dédale

de lacs et de ruisseaux paresseux avec

un troisième étang, le Nissum-fjord,

qu'un foible cordon littoral percé d'une

seule ouverture sé[)are de la mer du

Nord. Cette porte marine, non moins

dangereuse que celle de Nyminde-gab,

fut jadis mise sous la protection des

dieux : c'est l'embouchure de Thor,

Thorsminde, à moins que, suivant une

étyraologie moins poétique, mais plus

probable, il ne faille y voir la Torsk-

minde ou la « Bouche des Morues ». Le Lim-fjord est un bassin à la fois

lacustre et maritime dont l'histoire géologique est plus complexe que celle

des étangs voisins. Il traverse de part

on part toute la péninsule du Jylland et se compose de trois parties bien dis- tinctes, ayant ensemble une superficie de 1169 kilomètres carrés. A l'ouest, un vaste étang, semblable au Ringkjô- bing-fjord, est comme lui limité du côté de la mer par une mince flèche de sable qu'ébranlent les flots et qui n'a pas même un kilomètre de largeur en plusieurs endroits. A son extrémité orientale, cet étang communique par un étroit canal avec un labyrinthe de lacs poissonneux qui entourent la grande île de Mors et tout un archipel d'îlots, puis se rejoignent en une mer inté- muooM

rieure, de plus de 460 kilomètres carrés, » ^^tu.

séparée du Skager Rak par un simple cordon de dunes et ramifiée au loin vers le sud en golfes et on baies. A l'est de ce bassin central du Lim-fjord, la région dos lacs so continue jusqu'au d(''troil d'Aalborg :

10 NOUVELLE GEOGRAPHIE UNIVERSELLE.

commence un fjord étroit et allongé, semblable à tous ceux qui découpent la côte orientale tournée vers la Baltique, tels que les fjords de Mariager, de Randers, de Horsens, de Vojle, de Kolding. de Haderslcv, et d'autres encore, jusqu'à la baie de Kiel : nulle part, ce Ijord oriental n'a plus de 2 kilomètres de largeur ; c'est une simple fosse navigable s'ouvrant sur la mer par une bouche de plus de 3 mètres de profondeur. L'étude de la carte géologique montre que, dans son ensemble, le dédale des eaux intérieures auquel on a donné le nom de Lim-fjord suit les contours des formations miocène et crétacée : au pied de ces assises, plus solides que les terrains de transport environnants, le sol a pu être facilement affouillé par les inondations.

Le cordon littoral qui limite à l'ouest le bassin du Lim-fjord a été coupé à diverses reprises pendant les tempêtes', notamment en 1624, en 1720 et en 1760. Le 28 novembre 1825, à l'époque de terribles inondations dévastèrent toutes les côtes basses de la mer du Nord et mirent sous l'eau le Waterland hollandais, d'Amsterdam à Alkmaar, la plage extérieure du Lim-fjord, connue sous le nom de Harboôre Tange, céda sous la pression des eaux et l'étang se trouva réuni à la mer par une de ces nombreuses Nyminde (Nouvelle Bouche) qui se sont ouvertes sur le littoral jyllandais". Avant l'ouverture de la brèche d'Agger, tcule la partie occidentale du Lim-fjord était remplie d'eau douce ; mais l'irruption des flots salés et l'établissement d'un courant de mer à mer changèrent la composition du liquide dans tout le détroit : les poissons de mer y ont pénétré en mul- titude % et partout la teneur en sel a dépasser au moins 18 pour 1000, puisque des bancs d'huîtres se sont formés çà et là, grâce au naissain que les courants de houle transportent de l'ouest à l'est'. Cette bouche, qui fut utilisée la première fois pour la navigation en 1854, n'a cessé de se déplacer et de changer de forme et de profondeur suivant les oscillations des flots et des tempêtes; souvent il n'y eut qu'un mètre et demi d'eau sur la barre; souvent aussi la sonde y marqua près de trois mètres. En 1865, une tempête perça de nouveau la flèche : au sud de l'ancien « grau » ou canal d'Agger se forma une nouvelle bouche, le canal de Rôn, qui s'agrandit et s'approfondit peu à peu; dès l'année 1875 le seuil d'Agger était complètement obstrué par les sables % tandis que des ba-

' Ed. Ei-slev, Den Danske Slat, 1855-1857.

- Chr. Pctei'scn, Om Aygeriangen for og nu. Danske geografiske Selsbib, I, 1877; (Jslerljul, Fra Agcjer Sorjn, même recueil, IL 1878.

'• Feddorsen, Danske geografiskc Selskab, L 1877.

* Von Baer, Bullclin de l'Académie des Sciences de Saint-Péteishoury, I. V, 18C5.

5 Clir. Pelersen, onvrase lili'.

LIM-FJOUD, SOLFLKVKME.XT DKS COTES DU JVLLANlI. 11

((Miix <l(^ prclie et môme des omhiucalioiis de commeive iitilisiiieiil en grand nonilnv le nonveau canal'. Dans son ensemble, tont l'appaieil du liltoral a élé repoussé d'environ deux kilomètres vers l'orient.

La partie septentrionale de la presqu'île danoise participe au mouvement d'ascension graduelle qui fait surgir des flots les côtes rocheuses de la Norvège et de la Si:ède : encore à cet égard, le Jylland, quoique rattaché à l'Allemagne par l'isthme cimbrique, est une terre Scandinave. La région de la péninsule se trouve probablement la charnière d'oscillation entre l'aire de soulèvement et l'aire d'affaissement passe au nord de la frontière politique actuelle, à peu près dans la partie la plus large de la péninsule - : comparé au massif du Jylland, leSlesvig des Danois, le Schleswig des Alle- mands,— n'est qu'un débris dont les anciens rivages ont été découpés en îles ou même en bas-fonds et laissés en mer à une grande distance de la côte actuelle. Tandis qu'au sud de la ligne de séparation entre les terrains qui se soulèvent et ceux qui s'affaissent, les rivages de la terre ferme ont été changés en îles, au nord on voit au contraire d'anciennes îles qui sont devenues partie du continent : telles sont les petites péninsules qui s'avan- cent dans la mer à l'est d'Aarhus et qui, sur la carte, ressemblent à des fruits suspendus à une branche d'arbre. Au nord de ces presqu'îles, le lac Kolindsund rappelle par son nom qu'il fut un détroit marin ou du moins un golfe, et dans les environs se trouvent plusieurs villages dont le nom, so terminant en o (île), indique l'ancienne condition insulaire \ Peut-être le soulèvement du Jylland s'est-il produit en maints endroits d'une manière assez rapide. Certaines parties de la côte septentrionale se ter- minent brusquement par une sorte de falaise de 4 à 8 mètres de hauteur sur Laquelle se dessinent en lignes horizontales différentes couches de tourbe, beaucoup plus compacte et plus noire que la tourbe ordinaire, et recouvertes de sable marin. On pense que ces lits, d'origine fort ancienne, appartiennent à une formation soulevée en masse au-dessus de la mer*. Mais immédiatement au sud de l'endroit commence le mince pédoncule de la presqu'île se montrent les traces de phénomènes géologiques tout différents : des forêts sous-marines d'aunes, de bou- leaux, de chênes, et des couches de tourbe, qui jadis croissaient en des marais d'eau douce, se trouvent maintenant dans les profondeurs des bancs vaseux qu'inonde la mer; en draguant les chenaux pour frayer

' Entrées sur le seuil de Rôn en 187G : 820 navires. ' Ed. Erslev, Notes manuscrites.

' Forchhammcr, Forhandlinger ind de skandinavisRe Naiurforskeres Mode i Goteborg, 1859; ^ 0. Peschel, Neue Problème der veryleichcnden Erdkunde.

* Alph. Bclpairc, De la Plaine inarilime depuis Boulogne jusqu'au Danemark.

12 NOUVELLlî GEOGRAPHIE UNIVERSELLE.

le passage aux navires, les marins lieurlenl quelquefois leurs instruments contre les arbres engloutis.

De même que la côte des Landes françaises, celle des Landes danoises se prolonge en pente très douce au-dessous des flots et c'est en moyenne à 60 kilomètres seulement, après avoir perdu depuis longtemps la vue des côtes, que l'on trouve des fonds de 50 à 40 mètres. En maints parages de cette mer, surtout au large du Blaavands Huk, l'éperon sud-occidental du Jylland, des bas-fonds dangereux interdisent aux bâtiments l'approche de la côte. Aucun port ne s'ouvre pour les gros navires sur la plage occiden- tale de cette longue péninsule du Jylland que traversent deux degrés de latitude. De peur d'être jetées à la côte par les vents de l'ouest ou du nord-ouest, les embarcations s'éloignent de cette rive inhospitalière, sur- tout de la terrible Jammer-Bugt ou « Baie de la Calamité », qui se développe entre les deux promontoires de Roshage et de Hirshals. Le grand chemin de la navigation entre la mer du Nord et la Baltique est la fosse du Skager Rak, libre de tout écueil et partiellement abritée du vent le plus dangereux par les hautes terres de la Norvège méridionale.

Parmi les îles de la Baltique, celle de Fyen ou Fionie pourrait être considérée comme une partie géologique du Jylland, bien qu'elle en soit maintenant séparée par l'étroit passage du Petit Beit, dont la moindre largeur est de 650 mètres et le seuil le plus élevé de 8 mètres. D'ailleurs Fyen fut certainement autrefois rattachée au tronc de la péninsule ; elle se compose des mêmes terrains de transport, et ses collines, revêtues de hêtres, s'élèvent à peu près à la même hauteur que celles du Jylland oriental ; elles ne sont pas moins gracieuses et dominent le même horizon champêtre de prairies bien arrosées, de champs et de bosquets; elles sont aussi parsemées de blocs erratiques nombreux : l'un d'eux, la pierre de Hesselager, n'a pas moins de 30 mètres de circonférence et fait saillie de 6 mètres au-dessus du sol. Fyen n'est évidemment qu'un débris : au nord les péninsules qui entourent le fjord d'Odense, au sud les îles de Taasinge, d'iFrô, de Langeland, ont été déchiquetées par les flots ; un plateau commun porte ces terres maintenant divisées. On a peine à distinguer sur la carte les fosses d'érosion creusées par la mer entre les îles. D'après Forchhammer et d'autres géologues, ces canaux de séparation sont les fosses ouvertes par la grande inondation « cim- brique », lorsque les eaux de la Baltique orientale, se forçant un passage vers l'ouest, séparèrent le continent des îles et de la Scanie.

A l'est du Grand Belt, Sjalland (le Seeland des Allemands), Môen, Falster, Laalaiid, ne forment non plus qu'une seule terre, rompue par

ILKS DANOISES. 15

([■(•litiilcs ciuilôes (l'oii^iiic p;(''ol()iii(HU'in(>iil ivciMilo. Une grandt' iiarlii,' ilo SjallaïKl cl l'ilo de Môcii apparlieiiiiciil par l'urs roches aux âges (le la craie: mais au iionl cl au sud de celle liaude crayeuse, qui con-

tinue dans la Baltique la zone jyllandaise de même formation, s'éten- dent aussi des terrains modernes, couverts des débris qu'apportèrent les glaces flottantes : ces terrains forment, d'un côté, la partie septentrionale de Sjalland, de l'autre les îles de Falster et de Laaland. Dans ce groupe géologique, le faîte est encore beaucoup plus éloigué du centre de la

•14 NOUVELLE GEOGRAPHIE UNIVERSELLE.

conln'c qu'il ne l'est dans le Jylland cl dans le Sciileswig : il ne se trouve pas même dans la grande île de Sjàlland ; c'est à rexlréniité de la petite île de Môen que se dressent les escarpements culminants (le tout l'archipel : une colline entourée de petits lacs, rAborrehjorg, s'élève à la hauteur de 150 mètres, extraordinaire pour le Danemark, et non loin de cette croupe, du côté de l'est, la roche, abrnplemont coupée, domine encore de 100 mètres et même de 130 mètres les IloLs de la Baltique. Ces brusques hauteurs, appelées Môens Klint ou

« Falaises de Môen » , se terminent au-dessus des flots par des parois verticales, dont la craie, rayée d'assises parallèles de silex comme les falaises de la Normandie, réfléchit au loin les rayons du midi; on la voit briller parfois jusqu'cà 50 kilomètres en mer. Des effondrements d'assises ont donné à ces roches abruptes les contournements les plus bizarres ; des strates reployées, renversées même, y rappellent en petit les plissements du Jura et des grandes Alpes'. Les valleuses, ouvertes de distance en distance dans la falaise, laissent descendre les forêts de hêtres jusqu'au bord de la mer. Les navigateurs qui se rendent du

' Chr. Puggaard. Môens Geologi, 1851.

Mni'N KT Si:S F.VLAlSKS, S.IALLAM». 15

-r.iiul hassiinlcla r.alli,|iu' vers WiMuiir, KicI .ui I.uIhmK, |hmivo;iI snuvoni, (lisliii-iior ;'i la lois les imiraillcs de Mocii cl, 1rs hauts |iniiiionl()iros ih liiiucn, unis jadis, sépares maintenant [lar un détidil de ^o kilomètres de iaruiMir et de '20 mètres de profoiideui'. 11 [larail |ir(d)al)le que Moen, après s'èlre alTaissée relalivement an nivean de la mer. s'est exhanssée (le miuvean, et maiiilenanl eiicdre elle s'élèverait avec nue j;raude lenteur. Elle se cduipiise en réalité de sept îles distinctes dont les détnu'ts se sont graduellement asséeliés ; en 1100, elle était divisée en trois fragments. Un des villages de Môen, Borre, de nos jours |>crdu dans les terres au milieu des marais, était en 1510 au bord de la mer et la flotte des Lulieckois put s'embosser devant ses maisons et les brûler. De même Stege, devant lequel s'amassent de plus en plus les alluvions, est menacée de perdre son port. M. Puggaard évalue l'exhaussement de Môen à 0 centimètres par siècle. Comme Riigen, l'Ile de Môen est très fréquentée en élé comme lieu de repos : c'est une résidence des plus agréables, grâce à ses coteaux et à ses vallons, à ses bois, à ses petits lacs, au labyrinthe de détroits et d'Ilots qui la séparent de Sjâlland.

La grande terre dont Môen n'est qu'un fragment détaché, se termine également à l'est par des escarpements crayeux de 40 mètres de hau- teur; mais ces falaises, connues sous le nom de Stevns Iilint, se com- posent A» couches, régulièrement stratifiées, qui contrastent avec les replis bizarres de Môcns Klint. Dans son ensemble, Sjiilland continue l'île de Môen par sa pente générale; cependant quelques croupes de plus de 100 mètres se montrent encore en plusieurs endroits de l'île. Un vaste golfe, ramifié en une multitude de détroits et de baies tortueuses, l'Ise-fjord, pénètre au loin dans la partie septentrionale de l'île et lui donne une variété d'aspect comparable à celle que présente, à l'autre extrémité de Sjâlland, le dédale des canaux et des écueils : ses plages, comme celles de Môen, ont été évidemment soulevées, car on y voit d'anciens fonds émergés, actuellement à plusieurs pieds au-dessus du niveau marin.

Tandis que le Grand Belt, à l'ouest de Sjâlland, sépare nettement cette île de Fyen et de Langeland, un autre détroit, le célèbre Oresund, ou simplement le Sund, est, du côté de l'est, comme un fossé de sépa- ration géologique, car la partie de la Suède que l'on voit se profiler au nord-est de Copenhague, et qui se rapproche du château de Helsingôr jusqu'à la distance de 4100 mètres seulement, se compose de roches j)aléozoïques, d'un âge bien anté-rieur aux formations de Sjâlland. Les

10 NOUVELLE GEOGRAPHIE UNIVERSELLE.

petites îles danoises du Kattegat, Samsô, Anholt, Liisô, consistent en

terrains d'origine moderne; mais il n'en est pas ainsi de Bornliolm,

située en pleine Baltique, au sud-est de la pointe méridionale de Scanic.

Cette île est suédoise au point de vue géologique, car elle est formée

presque en entier de roches anciennes, grès et schistes appuyés sur le granit ; le détroit qui la sépare de la Scanie a seulement 55 kilomètres de largeur, et sa plus grande profondeur n'atteint pas même 50 mètres. Néanmoins Bornholm fait bien avec raison partie du Danemark, qui d'ailleurs comprenait jadis toute la partie méridionale de la péninsule

's(riir

liOUMKiLM. 19

les SiK'dois |iiirenl possession dos trois

aiiic, (le Ilallaii.l cl do IM.'kinn, Bon.liolni

le Iraiti' de fcssioii, cl lui occupcc par les

iniiiiaiidail Priuzoïiskjokl ; mais la populalioii de

tous les envahisseurs, à l'exception de douze, de la forteresse de Hammerslius : ce furent

du Nord. En Ki.'.S, provinct's de Skane ou ^ était aussi comprise dans soldats étrangers que l'île extermina dans une mii qui se trouvaient en delior les « Vêpres de Bornliolm -.

Des îles de la Baltique, Bornliolm est celle qui se distingue par la forme la plus géométrique : c'est un parallélogramme ayant à peu près '20 kilomètres de hauteur sur 25 kilomètres de base et se rele- vant <Mi jiente douce du sud au noi'd. I.c plateau granitique n'est couvert que d'une mince couche de terre végétale et n'avait autre- fois pour toute végétation que des bruyères; mais de grandes plan- tations ont été faites et des bois s'étendent maintenant au centre de l'île, autour du sommet principal, le Rytterknaegten, qui s'élève à 152 mètres. Des ravins, descendant pour la plupart en ligne droite vers la côte la plus rapprochée, découpent les roches du plateau de dis- tance en distance; de petites criques, ouvertes dans les falaises ou dans les plages à l'issue de ces ravins fertiles, servent de ports aux embarca- tions d'un faible tirant d'eau. Tout à fait à l'angle septentrional de Bornholm, la pointe Harameren est presque entièrement détachée de la grande terre par un isthme bas se trouve un lac très profond, que les habitants d'Allinge avaient proposé de transformer en un port de re- fuge; mais ils ont reculer devant l'obstacle que leur opposent les berges granitiques du lac. C'est immédiatement au sud de ce lac que se voient, sur une colline escarpée, les vastes ruines de Hammershus, résidaient autrefois les gouverneurs de l'île, et qui de loin res- semblent à une cité démolie. Un des phares importants de la Baltique, placé sur le cap même, éclaire maintenant la (; mer de Hammeren »'.

Princip;ilcs iles danoises, d'après J. B. Trap, Sliitistik-topoyruplihk Bcskrit'clse af Daiiemaih, S :

Superlicic. Topulatiou en 1871.

'^^ I Avec ^ro et Taasinge 2151100 lialj.

Fyen (Finnie)

. . 5005 k

LaiiKeland .

. . 284

Sjalland .

, . 0988

Mden . .

240

Falsler. .

. 535

Laaland .

. . 1191

Bornl.olia. .

. . 600

Supeilicie

des

iles

danoises :

13 551 klloni.

Population en

18

7i:

1 0i2 000 habitants.

20 NOUVELLE GÉOGRAPHIE UNIVERSELLE.

Au nord, les îlots et les écueils d'Ertholmene, généralement connus sous le nom de Christiansô, la plus grande île du petit archipel, appar- tiennent aussi au Danemark, comme dépendance de Bornholm. Ils foimenl un port de refuge, éclairé par l'ua des principaux phares de la Baltique.

Le climat général de la presqu'île et des îles danoises est maritime, c'est-à-dire relativement modéré dans la saison des chaleurs et dans celle des froids ; cependant les îles de la Baltique ont un climat plus doux que l'intérieur du Jyl- land, parce qu'elles sont plus pe- tites que cette presqu'île, et par conséquent plus exposées à l'in- fluence maritime : presque tous les ans, les gelées de l'hiver et les ardeurs de l'été sont plus fortes au milieu du Jylland que dans les îles '. D'année en année, les varia- tions hivernales sont fort grandes, ainsi que le prouve l'état des dé- troits, tantôt libres de glaces pen- dant toute l'année, tantôt fermés ]i('ndant deux ou trois mois par des dalles cristallines, assez fortes pour permettre le passage des voyageurs. Surtout la traversée du Grand Belt présente beaucoup de difficultés en temps d'hiver, et quand les glaces obstruent le détroit, les bateaux qui servent au transport des passagers

SM y. S5 .

et des bagages sont chargés sur des traîneaux de construction spéciale. On a exactement noté depuis 1794 la durée de ce transport sur glace [htramporl), qui parfois n'est pas nécessaire un seul jour, mais qui

' Température luovenne des saisons et de l'année à Copenhague

Printemps 6°, 5 C.| .\utomne.. .

Été 17°,25 I Hiver. . . .

.\nnée.

9",5C. ■0-,5

r.Lni\T nr hanemark. 2i

en 1S7I dura doux iiuiis onlicis, du 1" jaiivici' au 1" mars'. Ou sait qu'en 10 j8 le roi de Suède Cliarles X Gustave jjassa sur la glace, de Fyon à Langeland, puis à Laaland, avec son armée, ses fourgons, ses [lièces d'artillerie, ses trains d'appiovisionncment : le roi de Danemark, menacé dans sa capitale, dut sit^ner la pai\. Le vent dominant, celui (]ui apporte les pluies, aussi bien tians le Jylland que dans les îles hal- tiques, est celui qui souffle des mers occidentales; on peut même dire ipie ce courant atmosphérique a contribué pour une certaine part, moindre pourtant que le manque de ports, à faire regarder toute la presqu'île de Jylland et l'archipel voisin dans la direction de l'orient. La côte de l'ouest est la zone des coups de vent et des longues plages basses la zone la plus menacée par l'érosion des vagues. Les arbres, ployés par les tempêtes fréquentes, tournent leurs branches vers l'intérieur des terres et leur cime est rasée comme si elle avait été coupée par le fer". Même sur les côtes orientales du Jylland les arbres sont inclinés sous l'effort du courant aérien dominant; néanmoins les habitants s'y trou- vent plus à l'abri ; ils ont pu en toute sécurité bâtir leurs villes et cul- tiver leurs champs le long du littoral. Dans les îles, les vents sont moins violents et les navires rangent la rive orientale de Sjâlland pour éviter les écueils de la côte suédoise, soufflent aussi les vents occi- dentaux. C'est dans celte région du Danemark, sur une baie de l'île de Sjâlland tournée vers l'orient, que s'est fondée la ville la plus popu- leuse de toute !a Scandinavie. L'histoire générale de la contrée a donc subi profondément l'influence des courants aériens.

III

La flore et la faune du Jylland et des îles danoises diffèrent peu de celles des terres environnantes, Scanie et Schleswig : sous le même climat se sont développées les mêmes formes animales et végétales ; mais l'homme du pays, le Danois, forme bien un peuple à part, ayant ses traditions dis- tinctes, son caractère, sa volonté nationale. Quoique de race germanique, il se considère comme séparé de l'Allemand par l'origine aussi bien que par les souvenirs de guerres. Il repousse toute idée de fusion politique avec l'Allemagne et ne tient pas davantage à se confondre avec ses voisins suédois et norvégiens. L'union Scandinave, telle qu'il la désire,

' Chr. Hansen, Danske Geografiske Selskah Tuhkrift, II, 1.S78. * Ed. Erslev Den Danske Stat.

22 NOUVELLE GEOGRAl'lIIE l.MVERSELLE.

devrait être plutôt une fédération de trois peuples gardant leurs mœurs et leurs lois respectives.

Bien que l'histoire proprement dite du Danemark ne remonte guère à plus d'un millier d'années, les débris de toute espèce trouvés sur le sol du Jylland et des îles danoises ont permis de pénétrer, bien au delà des siècles historiques, jusqu'aux âges le climat local était tout différent de ce qu'il est de nos jours. l.e Danemark est devenu célèbre par les nombreux témoignages des civilisations primitives trouvés par les archéo- logues. Ce que les côtes de la Méditerranée avaient été pour l'archéologie classique, les rives du Kattegat et de la Baltique occidentale l'ont été, quoique à un degré moindre, pour l'archéologie préhistorique en général'. Les débris des industries rudimentaires de nos ancêtres y ont été ra- massés par centaines de milliers.

De tous ces musées naturels, ceux dont l'exploration offre peut-être le plus d'intérêt sont les tourbières se sont carbonisées successivement plusieurs générations de forêts ; les couches superposées des arbres per- mi'tlent de déterminer approximativement l'époque vécurent les ani- maux dont on retrouve les débris, et les hommes qui y laissèrent leurs outils en silex. La végétation forestière qui ombrage actuellement les tourbes est celle des hêtres ; mais au-dessous les étages des forêts en- glouties sont représentés par les trois strates végétales bien distinctes des pins, des chênes et des trembles. L'ancienne flore du fond de la tourbière consiste en bouleaux nains et autres arbrisseaux, qui croissent aujourd'hui vers le sud de la Laponie. A cette époque, le climat du Danemark était donc celui de la zone polaire; mais l'homme y vivait déjà, car on a trouvé des silex travaillés dans la couche du fond, à côté des ossements des rennes et des élans'. Quant aux restes de mammouths et d'autres grands mammifères, nulle part on ne les rencontre en Da- nemark, comme en France et en Angleterre, dans un sol l'homme ait laissé des traces de son industrie.

On sait combien grande aussi est l'importance qu'ont prise dans l'ar- chéologie préhistorique les amas de coquillages recueillis çà et sur les côtes du Jylland et des îles danoises. Les habitants y voyaient autrefois des couches de débris rejetés par les vagues ; mais Worsaae et Steenstrup, qui ont étudié ces restes, y ont reconnu des a/fahhdynger, kjwkken- mœdditiger ou k débris de cuisine ». Ils se composent surtout de coquilles

' Worsaae, La colonisation de la Russie et du nord Scandinave. IraJucl. Beauvois. - &leenstvup, Geognostisk Undersôijelse af Skovmoserne. ' Wiirsaae, onvrase cité.

\NClENiM-:S IMU'ILATIO.NS UH HANK.MAKK. 23

d'imîtros cl d'autres iii()lliis([iit's, ainsi iiuc d'arôlos do poissons, mais ils renlormont aussi des os rongés de eeiis. de chevreuils, de cochons, de hœufs, de castors et de chiens : ou y a trouvé des restes de chats et de loutres. Les ossements du grand pingouin, Valca impennis, «jui a cessé d'exister pendant ce siècle sur les côtes de l'Islande, se rencontrent également dans les tertres de débris du Danemark'; mais |iaiini les fragments d'oiseaux on n'a iioiiit remarqué ceux du poulet : à (clte époque, l'haliitant des lies n'avait (pie le chien pour animal domesti{(ue. Ouelque>-un> des amas de déchets culinaires ont jusqu'à 500 mètres de longueur sur une largeur de 50 à 00 mètres et 5 mètres de hauteur : leur volume est donc do plusieurs "dizaines de milliers de mètres cubes, ce i[ui témoigne de la multitude de ceux (jui pi'cnaient part à ces repas ou de la longue dun'e des siècle^ [lendant lesquels ils ont été continués de la même manière. Les populations de cette époque étaient alors à \vuv âge de pierre. cai- parmi les débris on n'a découvert que des armes et des outils de jiien-e et d'os, ainsi que des poteries grossières. La forme du littoral, la salure des mei's devaient aussi différer complètement de ce qu'elles sont aujourd'hui, car les huîtres, si communes alors dans les eaux voisines de l'archipel danois, ne peuvent y vivre de nos jours, à cause de la trop faible salinité du Ilot ^ Quelques-uns des ossements d'animaux divers trouvés dans les kjôkkenmôddinger, par exemple ceux du tetrao uraijallus, témoignent aussi de la rigueur du climat danois de cette époque.

Aux témoignages du passé trouvés dans les tourbières et dans les restes des anciens repas s'ajoutent les armes, les outils, les ornements, que l'on a recueillis en multitudes dans les tondjeaux mégalithiques de formes diverses, à une, deux ou plusieurs chambres, qui parsèment les terres danoises. Parmi ces monuments du travail humain, les plus anciens sont les lombelles rondes et les tertres allongés. Les chambres de géants (jœl- tcstitcr ou steendysser) , bcàties avec plus d'art, sont composées de plusieurs com])artiments en blocs de granit revêtus par un monticule de terre : plu- sieurs semblent avoir été des tertres de faniille : on trouve dans ces lombes, avec des ustensiles, des armes et des parures, les ossements d'animaux domestiques et sauvages enterrés en compagnie des morts. Ces tombeaux appartiennent pour la plupart à la dernière épo([ue de l'âge de la pierre polie et à l'âge du bronze, et la population sédentaire était déjà familia-

Steensliuii, Videnskabelicjc Meddeleher for dcn naliirhistoriske Fureiiinij. 18o."(. Vnii liacr, Bulldin de rAcadémie des Sciences de Saint-Pétcrsbourij, tmiie IV, 186'J

24 NOUVELLE GEOtJK.M'llIK UiMVEKSELLE.

risée avec l'élève du bétail et les luocédés élémentaires do l'agricul- tiire. C'est ;'i la lin du deuxième sièele, vers le lemj)s de Septime Sévère, (jue le 1er aurait définitivement prévalu dans ces contrées ', et de celte époipie datent aussi les premières inscriptions runiques. Des objets fort curieux, d'origine locale ou d'importation étrangère, ont été découverts dans quelques-unes des sépultures : telle est la coupe trouvée à Stevns Klint, dans l'île de Sjiilland, ddiit la bordure en argent ciselé porte une inscription grecque. A Bornbolui, l'âge de fer se développait avec des caractères particuliers. On trouve dans l'île des milliers de tombeaux appelés brandpleUer : ce sont des trous, remplis de cliarbons, de cendres et d'ossements bumains, avec des restes d'armes et d'instruments de fer (Ml (le bronze tordus par le l'eu : un seul cimetière, celui de Kannikegaard, piès tie A'exô, contient plus de douze cents de ces tombeaux ; deux autres eliamps funéraires en ont cliacun neuf cents; mais les tombes les plus récentes étaient pour la plupart isolées. Les pratiques de l'incinération ont fait disparaître une grande partie des richesses enfouies dans le sol avec les morts.

D'après le pbilologue Rask et l'arcbéologue Mlsson', des tribus la- ponnes, quels qu'aient été d'ailleurs les Danois des âges de pierre, auraient occupé tout le Danemark aux temps qui précèdent l'histoire. Dablmann, Escbricht et d'autres savants pensent au contraire que les Finnois lapons auraient pénétré dans les péninsules et les îles méridionales de la Scandi- navie seulenuMit en grou|ies de eolc/ns errants, faisant leurs semailles, tant(')t sur un point, Umlùl sur un antre, dans le sol brijlé des tourbières ou des bois. En tout cas, il est certain que des populations, bien distinctes par r(nigine des Germains Scandinaves qui habitent actuellement le Danemark, ont séjourné dans la contrée. Les études comparées de crânes, faites par Sasse dans les cimetières de Sjalland, ont démontré que jusqu'au seizième siècle une race d'une très faible capacité crânienne s'est main- tenue dans le pays à côté des habitants à grande tète, de race frisonne. Ces honunes ont maintenant (lisj)aru"'. Ouebpies (h'Iails de eoslnnie indique- raient aussi le s(''Jihh' d'ancieiuies races eelti(pies dans le pa\s : le bonnet à eoilie relev(''e, à ailes pendantes sur les (■pailles, (pie portaient géiiérale- menl les paysannes de Fyen, (l'iao, de l'alsler, à une époque récente encore, présente une siiignlièie ressemblance avec les boiuiets des Cau-

' Eiigelliartlt, Statudles romaines et aulres objeU d'aii du premier (igc île fer: Ernosi besjardiiis, }wlcs maniiscriles.

" Skandiiiaviska ÎSordens Urinvânare.

■■ Scliiiiiill, Jahrhiicher, ISTlï; Soligm:iiiii. lieJnns Geoiiraphisches Julirhurli, 1X70.

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.;rali(iii des peuples, ipii cnlraî- les Cailles el l'Ilalie, puis les lldiue, les Aiiiiles, les Saxons, les Jutes vers l'Aiiiileleire. une aiilre |topulali(Ui. (ilx-issaul à la poussée lies peuples vers rucciileiil, viul s'établir eu quelques euilroits îles îles méridionales du Danemark, Laaland, Falster, Langeland. Ces immigrants étaient des Slaves; des traditions et des noms de lieux témoignent de leur séjour'. Mais les principaux envahisseurs furent les Danois, ancienne confé- dération de tribus Scandinaves. On sait qu'après s'être emparés des contrées qui sont devenues le Danemark, les Danois continuèrent longtemps du côté de l'ouest leurs incursions do conquête ; rivaux des pirates norvégiens, ils di.sputèrenl pendant des siècles aux Anglo-Saxons la possession de la Grande-Bretagne et aux Celtes celle de l'Irlande.

En général, chez les Danois, la moyenne des blonds purs, aux yeux d'un bleu pâle, est plus considérable que chez les Allemands. Plus vifs (jue les Hollandais, ils sont comme eux patients, courageux et forts. Pleins de bon sens, ils agissent d'ordinaire à bon escient et traitent les Allemands de vantards cl d'écervelés'' ; néanmoins ils ont aussi leurs jours de fête pen- dant lcs(pioIs ils aiment à s'oublier : au silence ordinaire succèdent les chants et le bruit. Sous le calme des traits, le Danois garde une ànie ardente el poéliiiue : il voit les flots de la mer battre ses rivages el se rappelle la vie aventureuse de ses ancêtres qui parcouraient le monde sur leurs barques battues des vents. Sa littérature lui conserve un trésor de nobles chants que les jeunes gens répètent dans les réunions joyeuses. Les hommes d'étu(ie se distinguent par la vigueur, la mélhode, la clarté. Partout la population a le goiît des livres, et le ihéiâtre est pour elle une école de littérature autant qu'un lieu d'amusement. « Pas seulement pour le plaisir ! » dit une inscription peinte sur le rideau du théâtre national de Copenhague.

La langue danoise, d'origine Scandinave, mais beaucoup moins [lure que l'islandais, s'est constituée en langue dislincle vers le treizième siècle ; mais elle ne prit guère son rang comme idiome littéraire qu'à l'époque de la Réforme, au milieu du seizième siècle : ses anciennes sagas appar-

' Yaiiilerliindero, Rechcnhes sur l'FJhnoloyie de la Belgique. - Schiern, Oin slai'iske Stednaviie. '■ J. .1 Ain]i(''ir, Esquisses du Nord

26 NOUVELLE GEOGRAPHIE UNIVERSELLE.

tiennent à la littérature Scandinave proprement flitc. De tous les dialectes danois, parmi lesquels on range aussi celui de Bornholm, le plus original et le plus riche en vieux mots est celui du Jylland septentrional ; mais ce n'est pas celui qui a prévalu. Le parler de Sjalland a pris une importance prépondérante dans le pays, grâce à l'influence dominante de la capitale, et s'est confondu peu à peu avec la langue danoise elle-même. Suivant les époques, le danois s'est enrichi de termes empruntés au latin, au suédois, au français ; mais c'est à l'allemand qu'il a pris le plus grand nombre de mots au bas allemand lors de la prospérité commerciale des villes de la Hanse, au haut allemand quand ce dialecte l'eut emporté comme langue littéraire de la Germanie. Autrefois, plusieurs auteurs, prosateurs et poètes, ont écrit dans les deux langues, afin de parler non seulement à leurs compatriotes danois et norvégiens, mais aussi au public allemand, et, par son intermédiaire, au reste du monde. Cependant le peuple danois tient d'autant plus à sa propre langue qu'il se sent menacé dans son existence même : il se rattache avec ferveur aux traditions nationales, à sa vieille littérature, à sa poésie issue des sagas, et remplie du souvenir des aïeux. Depuis le grand Thorvaldsen, l'art danois a cherché ses propres sentiers, et même l'art industriel, celui des porcelaines, de l'orfèvrerie, des meubles, cherche à s'inspirer des antiquités trouvées dans le sol de la imtri.'.

IV

Toutes les villes importantes du Jylland sont situées sur le bord ou du moins sur le versant de la mer orientale. Les populations étaient natu- rcllcmeiil attirées de ce côté, qui leur offre un triple avantage : des terrains plus fertiles, des ports plus profonds, plus abrités et de plus facile accès, et le voisinage des îles fécondes et peuplées de Fyen et de Sjalland. Autre- Ibis, quand les Danois, avides de conquêtes et de pillages, regardaient au loin vers l'Angleterre et les autres pays de l'Europe occidentale, ils s'étaient portés en grand nombre sur la côte de l'ouest. A cette époque, la ville de Ribe, située près de la frontière actuelle du territoire allemand, était fort importante. Elle s'enrichit alors d'un butin considérable, apporté des pays lointains en offrande à ses prêtres et à ses moines. Maintenant Ribe en- tretient à grand peine ses communications avec la mer : le sinueux Ri!)c Aa, qui va se perdre à l'ouest dans les vases du littoi-al, est com- plètement obstrué par les boues à marée basse, de même que le canal

cnnisi- à travers los alliivions du riva^'c. l'iiis au nord, Kinj^kjoliiiifi, hàti sur la rive (li> sa «grande lapiiiic, ii'osf ([u'iin i\nh\o bourg de pèche, hieu que elxiisi comme chef-lieu du |dus vaste hailliage de la péninsule. Jusqu'à la pointe de Skagen, aucune ville ne se montre sur le rivage; à peine quelques hameaux apparaissent-ils au milieu des dunes, entre les étangs. Le chef-lieu du Tiiy, territoire insulaire qui s'étend à l'ouest du [iim-fjord, Thisted ou i Ville du Thy », est situé au bord de ce golfe intérieur : c'est que naquit Malte-Brun, le grand géographe qu'exila sa patrie et qui devint l'une des gloires de la France.

Sur la rive orientale du Jylland, la première ville qui se jirésenle au

I r f) r.

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i/aprcs la^aru, de ILuu .f!a/or

Sables qm consreai et c

nord du territoire annexé par l'Allemagne est Kolding, située à l'extrémité d'un fjord sans profondeur, et près de laquelle se voient les vastes ruines d'un château du seizième siècle, brûlé en 1808, lorsque Bernadette occupait la contrée avec des troupes françaises. Kolding est moins im- portante que la ville, naguère fortifiée, de Fredericia, qui commandait le détroit du Petit Belt à son embouchure septentrionale : plusieurs mo- numents y rappellent la victoire que les Danois y remportèrent le 6 juillet 1849 sur l'armée du Schleswig-Holstein. Plus loin le fjord de Vejle s'ouvre dans la côte du Jylland ; ses eaux, que dominent de part et d'autre des collines couvertes de hêtres, diminuent en profondeur de l'est à l'ouest avec une régularité singulière et vont mourir sur une plage basse que traverse nu ('troit clieiinl pour les embarcations : le nom

28 NOUVELLK GÉOGKAI'UIK UNIVERSELLE.

niènip fie Vejle est synonyme de fond émergé. La ville occupe une soiic d'isthme de terrains consolidés entre la gracieuse courbe de la baie et les fonds tourbeux qui ont remplacé les eaux de l'estuaire desséché. A une petite distance au nord-ouest de Vejle est l'ancien bourg royal de Jelling, se voient les tertres funéraires de Gorm et de Thyra, élevés vers 960 par leur fils Harald « à la Dent Bleue » : entre ces monticules se trouve une église; des runes déchiffrées par Finn Magnuson, Rask, Rafn', et de curieuses figures symboliques ornent des pierres érigées en l'honneur des deux souverains.

Horsens est située comme Vejle à l'extrémité d'un fjord, tandis qu'Aar- hus, la ville la plus populeuse du Jylland, est bâtie sur le rivage mémo de la mer et possède un port bien abrité. Aarhus est la station centrale des chemins de fer du Jylland et le principal point d'attache de la pé- ninsule avec Copenhague*. La prééminence politique appartenait jadis à Viborg, qui se trouve au bord d'un lac, non loin du centre géométrique du Jylland : c'est dans cette ancienne ville que les rois ont le plus sou- vent siégé ; elle possède une cathédrale, l'une des plus belles églises du Danemark, rebâtie il y a quelques années. A l'est, Randers peut trafiquer directement avec la mer par le fjord dont elle occupe l'extré- mité ; mais les navires qui ont franchi la barre, profonde de moins de 4 mètres à marée basse, doivent s'arrêter à une petite distance en dedans de l'embouchure, au profond mouillage d'Udbyhoi. Randers est, après Grenoble, un des centres principaux de la fabrication des gants appelés « gants de Suède ».

Aalborg, longuement étendue sur la rive méridionale du Lim-fjord, que traverse en cet endroit un superbe pont de chemin de fer, fait un commerce assez actif; mais la barre du fjord ne permet l'entrée qu'aux petites embarcations, et pourtant il serait fort nécessaire de posséder un grand port de commerce et de refuge près de la pointe de la pénin- sule, entre les deux mers tempétueuses du Skager Rak et du Kattegat. Cette extrémité de la péninsule est des plus dangereuses sur les deux rivages pendant les mauvais temps : du côté du Skager Rak, la plage est bordée en maints endroits d'épaves rompues; entre l'île de Làsô et la pointe de Skagen, il se perd au moins chaque année de trente à qua- rante navires, sur les quarante ou cinquante mille qui passent dans le détroit, et dans une seule tempête du mois de novembre 1876 trenle-

' Mémoires de la Société des Antiquaires du Nord, t845-184'J.

°- V.ileur (les expoitalions .rA:ii-liiis en 1870 : 1 1 480 000 francs.

' Mmivenicnt du port il'Aalborf; en 1876 : 11.')0 navires, jaugeant 7'2CC0 tnnnfs

AMUll'S. U\M>i:US, SKAGKN,

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il ('cliout' ;"i Vt'jlc; Sduvciit Ic^

^ IimImIii

lUMif bàliiii.Mits (Mil ('rliout" ;i Ncjlc; sduvciit les IimImIiiiiIs de la conlnr ont M se mt'lln- ;'i la merci des vagues |Miiir sauver les uaulraiiV's '. |,e |iorl (le rivderiksliavii, creusé au sud de la haie aiildur de la((iielle se recourbe Skageu, est loiit à fait insuffisant (•(unnie havre de reluf.'e, et l'on a songé à l'agrandir el à le e(ini|)l(''ter jiar le mouillage des ilôts (le juVlicurs, connus sous le nom de lliitsiiolmene : ce havre en eau pro- fonde resterait ouvert au commerce |ien(laiit toute l'aiHK'e. La ville de Skagen, composro de (juelques groupes de maisons ahrilées par les dunes, e-^t le lieu de ptVhe le plus important du Danemark. Merlans, morues, turhots, soles et autres poissons y sont capturés en multitudes : aussi Skagen, de même que sa voisine Frederikshavn, est-elle constam- ment visitée par des bâtiments viviers qui viennent et reviennent y prendre leur cargaison de poissons vivants, pour les vendre à Copenhague et en d'autres villes danoises'.

C'est dans l'île de Fyen ou Fionie que s'élève l'une des plus anciennes cités du Danemark, Odense, la « Ville consacrée k Odin ». Elle était déjà bâtie avant qu'une maison de pierre s'élevât au milieu des cabanes de pêcheurs, qu'ont remplacées maintenant les palais de Copenhague; sa cathédrale renferme quelques tombeaux d'anciens rois ; elle est la patrie du poète et charmant conteur Andersen, issu d'une très humble famille, comme la plupart des grands écrivains du Danemark. Cajiitale du vaste jardin que forme l'île de Fyen, entourée d'admirables cultures, Odense est aussi un centre d'industrie et de commerce, bien qu'elle se trouve à une certaine distance de la mer et ne communique avec elle que par un canal de faible profondeur, ne peuvent nième pénétrer les navires de T) mètres de tirant d'eau. Grâce au chemin qui traverse l'île, Odense se complète, à l'ouest, par les ports d'embarquement de MiddeU'art et de Strib, sur le Petit Belt, et à l'est par le port fortifié de Ayborg, sur le Grand Belt. Au sud de Fyen, vis-à-vis de la petite île de Taasinge, est située la petite ville de Svenborg, se trouvent des chantiers de con- struction ; elle est le rendez-vous de navigation et le marché des insu- laires de Taasinge, d'^Erô, de Langeland. Cette dernière île est la patrie des frères Oersted, le physicien et le juriste; le philologue Rask était fils d'un petit paysan de Fyen. Svenborg est dans l'une des plus belles parties du Danemark. De tous les coteaux des environs, la vue s'étend sur de ravissants paysages. La plus haute colline de Taasinge, Bregninge,

' Ed. Erslev, Den Dnnske Siat.

' Iniiini;ci'. Notice sur /es pèclifx 'lu Ikiiirmark : Fteviio niarilimc (,•! coloniiile, se];?. 180.">

30 NOUVELLE GEOGRAPHIE UNIVERSELLE.

a seulement 81 mètres de hauteur; mais de la cime on voit à ses pieds, comme sur une carte, un espace de 5500 kilomètres carrés : bois de hêtres, campagnes cultivées et bras de mer parsemés d'embarcations '.

La capitale de Sjâlland, Copenhague (en danois Kjobenhavn), renferme à elle seule la huitième partie de la population du royaume : ensemble toutes les villes danoises n'ont pas dans leurs murs autant d'hommes que la cité maîtresse, assise au bord du détroit de la Baltique. Évidem- ment Copenhague est plus grande que ne semble le comporter le rang politique d'un chef-lieu de royaume déchu : c'est qu'elle possède en effet un rôle k part, non comme ville danoise, mais comme cité européenne, appartenant, pour ainsi dire, à toutes les nations septentrionales du continent.

La position géographique de Copenhague, comme celle de Constanti- nople, présente un double avantage : se croisent le chemin d'une mer à l'autre mer et la route, quelquefois solide en hiver, qui réunit deux péninsules. Ue la Baltique aux parages de la Grande-Bretagne, de l'Alle- magne et du Jylland à la Suède, c'est par le même point que doivent passer marchandises et voyageurs. Un canal et un pont, pour ainsi dire, se traversent à angle droit oii s'élève la ville de Copenhague, et natu- rellement cette ville est devenue puissante par le commerce. Il est vrai que l'Ôresund, sur lequel est située Copenhague, n'est pas le seul détroit qui fasse communiquer la Baltique et qui continue le Kattegat; mais il est de beaucoup le plus facile pour la navigation, et pratiquement on peut le considérer comme le seul. Le Petit Belt, écarté du chemin na- turel des navires, est comme un fleuve tortueux qui semble se confondre avec un fjord de la côte du Jylland. Le Grand Belt, assez large et assez profond pour livrer passage à des flottes, est gêné par des écueils et des bancs de sable, et quand la navigation se faisait seulement à la rame ou à la voile, les bâtiments avaient à craindre, dans le long et sinueux détroit, de fréquents changements de vents et de courants. L'Ôresund présente au contraire un canal qui s'ouvre en droite ligne de mer à mer et le passage n'est gêné que par un petit nombre d'îles et d'écueils. Les navires que poussent le vent et le flot peuvent entrer souvent d'une mer dans l'autre sans avoir à changer la disposition de leur voilure. Le vent d'ouest, qui souffle d'ordinaire dans ces parages.

' Ed. Krslov, Lœrcboij i ilen nlmindcliiic ('lemjraji

II (_ i aph l 11 r\

COPENHAGUE LE SnND ET L'ISE FJORD

COI'KMLUUIK.

m\>( |.a

- [iliis liriiMiil à l'ciilm' (|ir;i lu soili

sciilciiic

ut, [idiir (Ml t'vitt'r les vidlcuccs.

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la rive aliriUv do Sjalland, .■! c'cs

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' l'eau ost le plus protondc cl le i

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I- les dominateurs de la cdnln'c |i

du (léll'(

lil devait donc s'élever sur la rive (

ie.le la ui<''dilerraiiee lialli(|ue; les marins doivent cliereher à -I précisément le loni; de cetle moins semée de lianes. I,a ville Miur commander la navigation occidentale du Sund : d'avance, le courant de l'eau et le souffle du vent avaient assigné la pr(''pond(''rance (•(imnu'rciale et politique à ce littoral insulaire'.

(JiianI à l'endroit particulier de la c(~ite devait s(^ consiruirc la t^ons'.antinople du détroit lialti(pie, il semldait tout d'ahord indi(pi('' par l'emplacement de Ilelsin^Vir, car c'est (pie s'ouvre la porte propremeuL dite du d(''ti'oit : d'une rive à l'autre, la mer s'est rétrécie en lleuve. En etïel, la position stratéii^iijne de llelsinj^or a toujours été d'une extrême importance, surtout depuis (jue l'invention de l'arlillerie a permis aux Danois de commander tonte la lar<i;eur du passage. Toutefois l'emplace- ment de Copenhague avait l'avantage sur Helsingôr d'offrir au commerce nnc rade sûre, un vaste port naturel : la brèche ouverte entre la grande île de Sjalland et l'îlot d'Amager invitait les navires, et ceux-ci durent en proiiter dès que le commerce entre les deux mers eut pris un cours régulier. Quand le village est cité, pour la première fois dans l'histoire, en lUiô, il n'a d'autre nom que Hdfn ou « Port ». comme s'il ('tait le port par excellence; vers 1200, le chroniqueur du Danemark, Saxo (Iranimaticus, l'appelle PorlHx Mcrcataiion : c'est la désignation (pii lui est restée jusqu'à nos jours. Même an point de vue militaire, Copen- hague occupe une position de même valeur (pie Ilidsingiii-, car le chenal des navires longe précisément sa rade et se continue au sud vers la r>alli(pie par le passage des Drogden, entre Amager et Saltholm : les lias-fon(N et les écueils ferment aux grands vaisseaux la partie du Sund ipii s'étend à l'est vers les côtes suédoises. Ainsi les forts de (Copenhague, de même que ceux de Helsingôr, dominent le passage de l'une à l'autre mer doivent passer les navires, amis ou ennemis, de commerce iMi de guerre. La suprématie politique de Copenhague, dès que cetle ville eut été choisie pour résidence royale, fut con(piise lacilemeut ; liientôt les forces vives du royaume s'y trouvèrent con cent ires : de devait partir désormais toute initiative du Danemark, et c'est aussi i[ue les ennemis devaient essayer de frapper pour avoir tout le pays à leur ni(>rci. Par sa position géographique, Copenhague est bien le centre

' F.d . Ersiev, Den Danske Slat ; J. G. Kcilil, Die iiedgidjihisclic LiKje <lcr Hauplslaillc Eiiiopti'f.

32 NOLiVIiLLE GliOGllAPlllE UNIVERSELLE.

de tout le demi-cercle qui se dt'velopjie de la poinle de Ska,i;en à Bornholm; mais sa puissance d'altraction s'étend bien an delà, et sou- vent Copenhague, la ville la plus populeuse de toute la Scandinavie, eut l'ambition d'en devenir la capitale commune, ainsi que l'avait été lloskilde, pendant un tiers de siècle, sous le règne de Marguerite et de ses successeurs. Longtemps la Scanie resta terre danoise, et c'est de- puis deux générations seulement que la Norvège a cessé d'être associée politiquement au Danemark. Toulefois, si Copenhague jouit d'une admi- rable situation commerciale, elle n'est pas, comme capitale d'Etat, en- tourée de terres ayant une cohésion suffisante pour qu'elle ait pu main- tenir sa puissance parmi les cités du Nord. Qu'est l'archipel danois en comparaison de ces vastes plaines dans lesquelles se sont groupés, d'une pari les populations allemandes, de l'autre les Slaves septentrionaux et ijui uni fini par constituer les deux empires d'Allemagne et de Russie? A côté de ces puissants Etats, le Danemark n'a plus à compter sur ses propres forces : la rivalité de ses voisins est pour lui la meilleure chance de sailli; mais ce salut est précaire et le moindre ébranlement polili(|ue peut èlre utilisé pour satisfaire les convoitises de l'un ou de l'aulre. Copenhague et le Sund seraient de bien précieux butins de conquête. La ville de Pierre le Grand n'était, disait son fondateur, qu'une « fenêlre ouverte sur l'Europe » ; Copenhague ne pouri'ait-elle devenir une porte ouverte sur le monde? Heureusement, deux rivaux égaux en puissance, trois en comptant la Grande-Bretagne, ont en même temps les yeux fixés sur elle.

La capitale du Danemark est bâtie, pour ainsi dire, dans un détroit, entre Sjalland el Amager. Des vases mouvantes ont été conquises sur la nier jiar des remblais; des îles, ayant encore conservé leur nom de liolm, ont été rallachées au rivage ; mais autour des ports de guerre et de commerce maint canal donne à la ville une physionomie toute hollan- daise. Souvent ravagée par les incendies, Copenhague est en grande partie moderne, et la ceinture de murs et de fossés qui l'enfermait du côté de la terre est détruite presque en entier pour permettre la construction de nouveaux quartiers dans la campagne, surtout des côtés du nord et de l'ouest, vers Frederiksberg ; mais une ciladelle et des forts bâtis au bord (le la mer séparent la cité proprement dite de la plage marine, et même en pleine mer des fortifications s'élèvent sur des îlots artificiels. Ces remparts, ces canons rappellent la glorieuse résistance de la ville, lorsque la Hotte de Nelson vint, en 1801, attaquer et détruire les vais- seaux danois dans la rade. Six ans après, en pleine paix, les Anglais

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.i.'v.-KonI ivv.'iiir iHmi'l„)ii,lMnlr .a llolto.

lifilir eu ]ncrri's cl en l)ri(|iR's liiidigooiii une villo assez belle, riche, disposanl, d'im

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Iqiies monumenis curieux, et. dans res

s (le gris, Copenhague esl ulget consiticrable'. Elle a lilu-es, des trésors pour les

savants et les artistes, l'rès du pnrl, la place octogonale d'AraaIicnhorg, décorée d'une statue é(jiicslie en bronze de Frédéric V, est entourée de palais, résidence ordinaire du roi, et ceux-ci sont à leur tour en\i- ronnés de jardins. Le palais de Christiansborg, se tiennent encore les réceptions officielles du souverain et se réunissent les deux cham- bres du Parlement, i-enferme une galerie de tableaux, précieuse surtout

Budget di' Cnpcnhasii

1 I '2110 000 francs.

Ô6 NOUVELLE GÉOGRAPHIE UNIVERSELLE,

piir SCS toilos de l'école hollandaise et par sa collection de iieintu- ^s de l'école danoise. Près de ce palais est la bibliothèque royale, riche d'en- viron un demi-million de volumes et de 17 000 manuscrits. L'Univer- sité, fondée déjà depuis quatre siècles et fréquentée par plus de mille étudiants, contient aussi près de 250 000 volumes, parmi lesquels des ouvrapies d'un prix inestimable, notamment la collection des sagas islan- daises, composée de 2000 manuscrits. Le « Palais du Prince » possède l'admirable musée des antiquités du Nord, fondé par Nyerup et surtout par Thomscn : c'est, avec la collection de Stockholm, le cabinet de ce neinc le idiis conipli'l du monde et celui qui put le plus longtemps s(Mvir (le modèle; nu y voit plus de 40 000 objets classés de manière à raconter les mœurs des hommes qui se sont succédé sur le sol du Dane- mark pendant les âges antérieurs à l'histoire. Dans le même édifice se trouve l'excellent musée d'ethnographie comparée, créé également par Thomsen. Le château de Uoseuborg, palais du dix-septième siècle qui dresse au milieu d'un jardin sa masse carrée flanquée de hautes tours, renferme des collections d'objets de toute espèce, moins riches peut-être que ceux du « caveau vert » dt> Dresde, mais admirablement classés par le (•(■lèbre Worsaae suivant les époques : une des chambres contient une grande collection de cristaux de Venise. Dans un autre château, Char- lottenborg, s'est installée l'Académie des Beaux-Arts. Quant à l'observa- toire, c'est le plus vénérable établissement de ce genre que possède l'Europe : la première pierre en fut posée en 1657, un demi-siècle après que Tyeho-Brahe eut élevé, dans l'ile de Hveen, le « Château du Ciel », aujourd'hui détruit. Non loin de la Bourse, que surmonte un clocher bizarre, formé de quatre dragons entrelacés, se voit un énorme cénotaphe de style égyptien, consacré à la mémoire de Thorvaldsen et renfermant son œuvre entier et ses collections diverses ; au centre de l'édifice, dans une grande cour, est le tombeau du maître, entouré de son peuple de statues. L'église métropolitaine est également ornée de quelques sculptures dues au ciseau du statuaire, le plus illustre enfant de la cité. De nombreuses sociétés savantes ont été fondées à Copenhague : la plus importante est la Société des Antiquaires du Nord; en 1870 s'est fondée une Société de Ciéographie, formée actuellement d'environ 850 membres.

La grande industrie du Danemark s'est concentrée pour une forte i)art dans Copenhague et dans ses faubourgs : fonderies, raffineries, filatures, fabriques de porcelaines, de terres cuites, et toutes les usines se préparent le gréement et l'approvisionnement des navires, couvrent de vastes étendues de terrains dans le voisinage du port et dans plusieurs

COPENHAGUE ET SES ENVIRONS. o7

autres quartiors. Plus de la moitié du commorce du royaume a pour marché la capitale, et quoique Copenhague n'ait guère plus du quart de la flotte commerciale appartenant au Danemark', plus de la moitié de la navigation du royaume se fait dans son port : une grande partie des matières premières de la contrée est exportée de cette ville et c'est que viennent s'emmagasiner la plupart des produits manufacturés de l'étranger. Quant à la valeur de ce commerce, elle dépasse de beaucoup la moitié des échanges totaux du royaume, car ses négociants reçoivent presque toutes les marchandises de grand prix et les principales lignes de bateaux à vapeur ont leur point d'allaehe dans son port : les quatre cinquièmes de la flotte commerciale à vapeur du Danemark appartiennent aux armateurs de Copenhague'. Cette ville a été choisie comme siège de la compagnie dos télégraphes du Nord, qui possède près de 8000 kilomètres de fils, allant de l'Angleterre et de la France au Japon, à travers la Russie et la Sibérie. Au sud, l'île d'Amager est un jardin de la capitale, grâce à ses cultivateurs de la Hollande du Nord, immigrés en 1514 : les colons, maraîchers de père en fils, portent encore en partie l'ancien costume national, et quelques traces du hollandais se retrouvent dans leur lan- gage. Une autre île, celle de Saltholm, est une dépendance naturelle de Copenhague, bien qu'elle en reste séparée par le chenal de Drogden. Elle est si basse, que de loin les bestiaux à la pâture semblent marcher sur les eaux; néanmoins elle possède de grandes carrières de roche calcaire. En longeant le rivage du Sund, au nord de Copenhague, on voit se succéder, dans un pays charmant, les maisons de plaisance, les jardins, les parcs jusqu'aux bains de Klampenborg et aux bois de Jaegersborg ; mais c'est dans l'intérieur du Sjâlland que s'étendent les plus vastes forêts et qu'ont été bâtis les plus beaux châteaux. Le plus considérable, celui de Frederiksborg, qui s'élève près du Itourg de Ilillerôd, est un som])tueux

' Flotte commerciale de Copenhague au 1" janvier 1870 :

432 navires, jaugeant ensemble 72 190 tonnes.

- Mouvement du port de Copenhague en 1870, non compris le cabotage avec les ports danois .

Entrées de voiliers -i7>'M navires, jaugeant 211800 tonnes.

Sorties ». .4 005 » » 500 527

Ensemble OS'jô « « 512 327

Entrées de bateaux à vapeur . . . 1222 » « 140 000

Sorties » .■ . , , 1 055 i. » 93 942

ible

Total de la navigation . . . . 12 228 navires, jaugeant 755 355 tonnes. ' Flottille à vapeur de Copenhague au 1" janvier 1876 :

112 bateaux, jaugeant 51504 tonnes.

58 NOUVELLE GÉOGRAPHIE INl VERSELLE.

monument rcllélanl ses lonrs dans les eaux d'un lac. Le eliemin de fer de Copenhague à Helsingôr décrit une grande sinuosité vers l'ouest pour passer à ce Versailles du Danemark, bâti au dix-septième siècle par le roi Christian IV, ainsi qu'au château de Fredensborg, résidence d'été du souverain, construit au commencement du siècle passé par Frédéric V. Ce palais est célèbre par les beaux arbres de son parc et par ses nom- breuses statues que sculpta Wiedewelt, le prédécesseur de Thorvaldsen.

Kronbnrg dresse son énorme masse carrée, hérissée de clochetons et de Idiircllcs, sur une langue de terre qui s'avance au plus étroit du Sund, comme poui' réunir Helsingôr la danoise à la suédoise Helsingborg. A la fin du seizième siècle, il a remplacé le château d'Orekrog, et cchii-là même avait été bâti sur l'emplacement du Flyndtrborg; la tradition ra- (•(iiilc (pic dans les souterrains le héros Ogier le Danois (Holger Danske) dort d'un long sommeil, attendant pour se réveiller le jour la patrie en détresse aura besoin de son bras. Ce château est aussi celui de Hamiet, et la poésie^ plus que l'histoire, l'a fait connaître des hommes. Du haut de ses terrasses on cherche vainement à voir « l'effrayante falaise » dont parle Shakespeare; les événements que raconte le poète n'ont point eu lieu, mais on y assiste par la pensée et l'on croit entendre résonner dans les salles quelques-unes de ces grandes paroles qui ne s'oublieront point.

Le courant du Sund passe devant Helsingôr ou Elseneur : c'est que .se trouve le point de jonction naturel entre les deux mers. Les rois de Danemark avaient pris soin de fortifier cette position, afin de prélever un péage sur les navires de passage. Encore au milieu du siècle, toutes les nations commerçantes consentaient à payer ce tribut et les bâtiments devaient s'arrêter sous le canon d'Elseneur. Enfin, en 1855, les États- Unis refusèrent d'acquitter ce droit humiliant, et en 1857 une convention de rachat abolissait définitivement le péage, moyennant une somme de 87 545 000 francs, payable par seize nations, en proportion de leur commerce. De nos jours, la rade d'Elseneur n'est plus encombrée comme aux temps du péage ; mais environ 50 000 navires passent an large des quais et le petit port est encore fréquenté comme marché d'approvision- nement : de quatre à six mille navires s'y arrêtent tous les ans pour se procurer des vivres frais '.

' Visites des navires de passage en 1876 : -4723. Mouvement commercial d'Elseneur à l'entrée et à la sortie en 187fi :

615 voiliers, jauge.nnt . . . , 48 020 tonnes. 447 bateaux à vapeur, jaiige^iiii. 42 030 »

Ensemble. . 1062 navu'es, jaugo;uit .... 1)0050 tonnes.

Fliillr iiuiimerciMli' (l'Elsciii'iii'. . 111 navires, jauscnnl 123,î3 lorines

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KOSKILDE, hURSOu. 41

Roskiido, qui lut la capitales cl la citt; la plus populeuse du Dane- mark avaiil Copeuliauue, devait graduel lenieul perdre de son impor- tance dès ipie les petites embarcations sur lesquelles naviguaient les anciens Danois lurent remplacées par de grands navires : le fjord dont Roskilde occupe l'extrémité méridionale est obstrué de bancs de sable, et seulement des barques plates peuvent remonter jusqu'à la ville. Après avoir été la capitale du royaume, Roskilde en fut long-

û'aprcsùz- th/'t&dE' lÈ'taùj&yor

Profondeurs en Mètr

;bàlO. de 10 au c

temps la métropole religieuse; elle se remplit d'églises et de couvents, et maintenant encore elle possède la plus belle cathédrale du pajs, bâtie à la fin du onzième siècle par Harald « à la Dent Bleue ». C'est le Saint-Denis du Danemark : un grand nombre des souverains du pays y sont ensevelis. La contrée qui entoure Roskilde est avec Elseneur la région classique de l'ancienne histoire danoise, encore mêlée de fables. Â Roskilde même sont les fontaines sacrées qui ont donné leur nom à la ville.

Seulement deux villes de Sjàlland sont dans l'intérieur de l'île, loin du rivage : Sorô, célèbre par sa grande école, hérilière de l'abbaye ((u'il-

42 NOUVELLE GÉOGRAPHIE UNIVERSELLE.

lustra Saxo Grammaticus, et Slagelse, enrichie par l'agriculture des cam- pagnes environnantes. Toutes les autres villes de l'île doivent leur impor- tance à leurs expéditions maritimes. Kalundborg, au nord-ouest, servait jadis d'avant-port à Copenhague pour les voyageurs du Jylland ; Korsôr, gardant l'issue de sa lagune intérieure en forme de cratère, est le point d'attache des bateaux qui vont et viennent à travers le Grand Belt ; Kjôge à l'est, Nestved, Vordingborg au sud, sont aussi les havres extérieurs de Copenhague sur le pourtour de l'île. Falster a le port bien abrité de Nykjôbing, et Laaland expédie des bestiaux et du blé par Nakskov et son fjord tout semé d'îlots.

La ville principale de Bornholm est Rônne, située près de l'angle sud- occidental de l'île'. Ses industries principales sont l'horlogerie et la poterie; elle ne se fait pas remarquer comme plusieurs bourgs de Bornholm par ses clochers isolés, servant de beffrois, et par ses églises en granit, du douzième et du treizième siècle : quatre de ces monu- ments sont des églises rondes.

IV

Depuis le commencement du siècle, la population du Danemark actuel a presque exactement doublé ; de 929 000, elle a monté à près de 2 mil- lions d'habitants. Encore peu dense, proportionnellement à la surface du territoire, elle ne cesse de s'accroître, puisque la natalité dépasse en moyenne des deux cinquièmes la mortalité. L'excédant de population, en Danemark comme dans les autres pays civilisés, se porte surtout vers les villes : pendant les quinze années qui se sont écoulées de 1855 à 1870, les citadins se sont accrus de plus de dix pour cent, tandis que la population des campagnes n'a guère progressé que d'un vingtième. Depuis le milieu du siècle, le mouvement d'émigration vers le Nouveau Monde a pris aussi une certaine importance : on a vu dans une seule

filles du Danemark ayant plus de 5000 habitants en 1878, d'apiès Ed. Erslev :

Copenhague, avec Fredei'iksberg

(Sjàlland) 250 000 hab.

Odense (Fyen) 20 000 »

Aarhus (Jylland)

Aalborg »

Randers »

Horsens »

Ilelsingor ou Elseneur (Sjàlland) .

20 000 12 000 12 000 12 000 10 000

Fredericia (Jylland) . Viborg »

Svenborg (Fyen)

8 000 hab. 7 000 .. 7 000 I.

Vejle (Jylland) 0 500

Holding » .... Slagelse (Sjàlland) . . . Roskilde » ...

. . G 000

. . 0 000

. . 6 000

Ronne (Bornhohn) 6 000

POPULATION, AfiRICULTURE DU DANEMARK. ■4Ô

niint'o pins de 7000 pcrsonnos qiiitl(M- le royaume, proporlion d'émi- pranls très ô\o\co pour un i)ays qui n'a pas môme 2 millions d'habitants'. Ouant aux immigrants, ils proviennent surtout des anciennes provinces du Danemark annexées à rAllemagnc.

L'agriculture, qui fait vivre directement les trois cinquièmes de la popu- lation danoise, est dans un état prospère, quoique plus d'un tiers de la contrée se compose encore de landes, de marais, de terres incultes ou de jachères^. Parmi les plantes cultivées, le seigle et l'orge l'emportent en- core de beaucoup sur le froment dans les cultures du Danemark" ; mais les proportions se modifient peu à peu au profit de la céréale la plus noble. Les progrès de l'agriculture danoise sont dus principalement à l'abolition des droits d'entrée sur les céréales importées en Angle- terre. Dès que les marchés britanniques, les plus importants du monde, furent ouverts aux expéditeurs du Danemark, les prix des céréales s'ac- crurent aussitôt dans tous les districts agricoles du Jylland et des îles. En même temps, les autres produits du sol, directs ou indirects, aug- mentèrent en valeur, et de tous les ports danois s'établit un mouvement régulier d'exportation en légumes, en fruits, en beurre, en bestiaux. Le Jylland surtout a prospéré comme pays d'élève, car il possède d'excellentes races d'animaux : les gros animaux du Thy sont fort appréciés et donnent beaucoup de lait; dans les campagnes herbeuses des bas-fonds l'engrais- sement des animaux de boucherie se fait très rapidement*. Toutes pro- portions gardées, le Danemark est le pays d'Europe qui possède le plus de bètes à cornes, et s'il est dépassé par quelques contrées pour le

' Émigralion du Danemaili, de 1869 à 1876 : 52 955 personnes.

" Champs cultivés en céréales et farineux 1110 878 hectares.

Prairies naturelles et vergers 1 045 582 »

Prairies artificielles 26 405 »

Cultures potagères et industrielles . . 15181 "

Bois 170 024 i>

Ensemhle des terres en rapport 2 571 870 hectares.

{Statistique internationale de l'agriculture, 1876.) ' Terrains cultivés en céréales en 1871 :

Ueclares. Ilccloliircs. Hectares. Hectolitres.

Froment 50 998 Production 1 500 000 1 Seigle 291107 Production 4 700000 Méteil 54 441 » 1100 000 | Orge 5(13 485 » 6 900 000

Avoine 509 756 hectares. Production 9 700 000 hectolitres. * Animaux dumestiqucs du n;mcmark en 1871 :

Chevaux 516 570 1 Moutons 1842 481

Bœufs et vaches 1258 898 \ Porcs 442 421

(Statistique internationale rie t'afiriculture, 1876.)

U NOUVELLE GÉOGRAPHIE UNIVERSELLE.

nomlirc des brebis et des cochons, il n'en est pas moins parnii les pays les plus riches en animaux de ces espèces '.

Il existe en Danemark de très grands domaines : récemment encore, diverses propriétés étaient privilégiées, celles de barons, de comtes ou de seigneurs héréditaires, dont l'impôt moyen, compté en « blé dur », repré- sentait les taxes de 55 hectares d'excellentes terres. Actuellement ces privi- lèges ont été abolis ; mais l'habitude s'est maintenue de classer les terres

10. ^OJlImc proponriONNEi i.es bœufs, des poncs et des moutons dans les pays d'europe.

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Dhaid

d'après les impôts en « tonnes de blé dur » et les paysans eux-mêmes se divisent en trois classes : ceux, assez riches pour la plupart, dont la terre acquitte un impôt de plus d'une tonne de blé dur, les gaardmsund ; ceux qui ont seulement une maison, et qui paient un impôt inférieur

' Proportion dos animaux par 1000 liabilanls en diverses conirées, d'après Nenmann-Spall.irl :

Dœufi. Moulons Tores.

Danemark (1871) C94 1032 248

Serbie (1866) 609 2201 1062

Allemagne (1875) 58i C09 173

Autriclie-Hongrie (1870) 354 600 195

Russie (1S72) . 343 099 151

France (1874) 517 095 153

Iles Britanniques (1877) 291 964 115

AfiRICULTURE, PÊCHERIES MF DANEMARK. 45

à une tonno do lilr dur, los hummirnd ; ouùn ceux qui (hMiioiirent chez autrui, k's inderstcr. M;\is ou ihmiI diro que la moycnuo et la petite pro- priété sont la règle'; la plupart il(>s paysans sont clans une réelle aisance et leurs maisons sont commodes, bien aérées, pourvues de meubles solides, ornées avec un certain luxe. D'après les statistiques officielles, l'ensemble des richesses du Danemark est évalué de 6 7 milliards et demi, soit de 5000 à 3750 francs par tète, et l'accroissement annuel de la fortune nationale serait en moyenne de 120 millions. Dans aucun pays, les caisses d'épargne n'ont proportionnellement plus de capitaux : à en juger par la statistique de ces établissements, les Danois seraient le peuple le plus économe de l'Europe ; tandis que l'épargne moyenne de l'Anglais est de 54 francs, elle est de plus de 160 francs par habitant du Danemark. Ce pays est le seul de l'Europe continentale le droit aux secours soit reconnu et des taxes spéciales soulagent la misère ; mais c'est dans les villes, surtout à Copenhague, que vont s'employer les revenus de ces taxes : dans les campagnes, le bien-être est général. En Danemark et dans les autres pays Scandinaves, les partis avancés se composent sur- tout de paysans, tandis qu'en France et dans le reste de l'Europe les populations rurales sont généralement plus arriérées que les habitants des villes. Connaissant fort bien leurs droits, les paysans danois se plaignent surtout de la répartition des charges du budget.

La pêche ne contribue pas à cette prospérité générale de la contrée autant qu'on pourrait le croire, vu l'étendue des côtes et l'abondance de la vie animale dans les mers qui les baignent. Les habitants des îles et du Jylland oriental trouvent dans l'agriculture un moyen d'existence plus facile que dans les hasards de la pêche ; ils ne veulent pas s'exposer au danger pour se procurer une denrée qu'ils vendraient à vil prix ; les jeunes gens du littoral préfèrent s'engager dans des voyages au long cours, ils peuvent compter sur un gain plus sûr et plus régulier". Cependant la pêche est loin d'être une industrie complètement négligée, surtout le long des côtes occidentales, la terre infertile ne fournit pas au cultivateur un revenu suffisant. d'ailleurs les eaux sont fort riches en poisson. A Nyminde-gab, c'est-à-dire à la bouche du fjord de Ringkjôbing, on pécha en 1862 plus de 700 000 merlans et 25 000 morues. Aux alentours de la pointe de Skagen, sur les rives basses du Lim-fjord, dans la rivière de

< Grandes propriétés en 1871 ...... 1928

Propriétés moyennes (de 12 à 1 tonne de blé dur) 71873

Petites propriétés (au-dessous d'une tonne) 152 836

- Irminger, Notice sur les Pèches du Danemark; Revue maritime et coloniale, sept. 1803.

40 NOUVELLE GÉOGRAPHIE UNIVERSELLE.

Guden et. le fjord de Randers, ainsi que sur les rives du Belt, la pêche est également fort active, et les marins de Bornholm capturent des harengs et des saumons qu'ils transportent à Swinomiinde, d'où ils sont expé- diés sur Berlin, Vienne et Paris. A Middelfart, dans l'île de Fyen, il existe depuis 1695 une corporation de pêcheurs qui se livrent pendant l'hiver à la chasse du marsouin [delphimis jihocaena), dont ils recueillent l'huile : une pêche annuelle de mille de ces animaux leur donne un hénéfice suffisant '.

Le Danemark n'est pas un pays de grande industrie : si ce n'est à Copen- hague et dans quelques villes de Fyen et du Jylland, il n'y a guère que des fabriques de draps grossiers et des distilleries : les mines de charbon, la force motrice de l'eau manquent au pays. Dans les rares districts des îles quelque ruisseau coule sur une pente inclinée, comme à Frederiksvœrk, à l'issue du lac d'Arre, les usines se pressent au bord du courant. Mais les Danois obtiennent par un commerce actif tous les objets manufacturés dont ils ont besoin. Proportionnellement au nombre de ses habitants, le Danemark se livre à un mouvement d'échanges plus considérable que la Franco. Pendant les dix années qui se sont écoulées de 1866 à 1875, le commerce extérieur du pays s'est augmenté de près de moitié ; mais l'accroissement s'est porté surtout sur l'importation. L'ensemble du trafic danois est évalué en moyenne à 550 millions de francs, dont plus de 300 millions à l'iir.portation ^ La situation même de la contrée semblerait devoir assurer à l'Allemagne le premier rang parmi les nations avec les- quelles commerce le Danemark, et jusqu'en 1875 c'est en effet avec les ports allemands qu'avait lieu la plus grande partie des échanges; mais, en dépit de l'éloignement, la Grande-Bretagne a fini par distancer ses rivaux de Hambourg, de Lùbeck, de Stettin'. Du reste, l'Allemagne est l'intermé- diaire de presque tout le trafic du Danemark avec l'Europe continentale, notamment avec la France, la Belgique, la Néerlande et l'Austro-Hongrie.

Le mouvement commercial de la contrée devant se faire presque en entier par mer, la navigation est d'une extrême importance : elle dépasse

' Irniinger, Notice sur les Pêches du Danemark.

- Commerce extérieur en 1875 553 5''3 000 francs.

Importations 310 250 000 i-

Exportations 257 075 000 )>

^ Commerce du Danemark avec les pays étrangers en 1S75 : Grandc-Rretagnc .... 189940 100 francs. Allemagne. ..... 185729G00 »

Suède 67 871600 «

Norvège 55 220 900 »

Colonies danoises . .

. . 14 722 500fr

Russie

11786 600

Néerlande

. . 11678 900

France

. . 6 695 800

STATISTIQUE DU DANEMARK. i7

2 millions de tonnes', dont la plus forte j)art est encore rei)i'ès(!nlée par les voiliers. La flotte do commerce nationale comprend plu:, de 5000 na- vires, presque tous mus par le vent, et d'un port loLil d'environ 250 000 tonnes \

Grâce au.\. détroits, aux nombreux Ijords, les communications sont laciles au Danemark, si ce n'est dans certaines parties du Jylland, et dans chaque île des routes réunissent les uns aux autres tous les ports princi- paux ; les chemins de fer sont assez nombreux dans le pays, et Copen- hague étend comme de grands bras ses lignes ferrées vers toutes les côtes de Sjalland '. Le réseau télégraphique et le mouvement postal se sont accrus dans la même proportion '.

L'instruction publique est très développée en Danemark, la fréquenta- tion des écoles étant obligatoire de l'âge de sept ans à celui de quatorze. Toutes les villes importantes ont des gymnases publics, écoles « latines » et de sciences exactes, ainsi que des écoles spéciales, et tous les villages ont des écoles primaires inférieures et supérieures ; en outre, il s'est formé depuis le milieu du siècle plus de cinquante écoles secondaires de paysans \ A côté des établissements d'instruction appartenant à l'État, sept institutions privées ont aussi le droit de délivrer des certificats qui don- nent aux élèves accès dans l'Université °. Depuis l'année 1875, les femmes peuvent suivre les cours universitaires au même titre que les hommes et concourir pour les mêmes diplômes. 11 est certain que, prise dans son ensemble, la nation danoise est une de celles qui se sont élevées le plus haut par l'instruction moyenne et par l'amour de la lecture' aussi bien que par le bien-être matériel. Mais, par un singulier contraste, c'est parmi

' Navigation dans les ports danois en 1875 :

De port danois à port danois. ... 46 826 navires, jaugeant 699 293 tonnes. Entre port danois et port étranger . 41768 » » 1475 874 »

Ensemble 88594 navires, jaugeant 2175167 tonnes.

- Flotte commerciale du Danemark en 1876 :

3076 navires, jaugeant 244100 tenues.

Dont 167 bateaux à vapeur, jaugeant 59 368 »

= Chemins de fer du Danemark, le 1" janvier 1877 : 1377 kilomètres. ' Longueur des lignes lélégraptiiques en Danemark, le l"' janvier 1876, 3040 kilomètres. Télégrammes, en 1876, 940655: 451197 à l'intérieur-, 276146 à l'étranger; 233312 en transit.

Mouvement postal, en 1876 20 088 150 lettres.

19 518 350 jouinaus. ^ Bagge, Tables statistiques pour Vannée 1878.

° Établissements d'éducation publique en 1877 ".

2940 écoles primaires; 14 gymnases. ' Fouilles périodiques paraissant en Danemark, en 1876 : 200.

48 NOUVELLE GÉOGRAPHIE UNIVERSELLE.

les Danois que les peines de cœur et les chagrins de toute espèce poussent le plus d'hommes au désespoir : nulle part les suicides ne sont aussi fréquents'.

D'après la constitution danoise, plusieurs lois modifiée depuis 1869, tous les citoyens âgés de trente ans, résidant depuis un an dans la com- mune et ne recevant point de secours de la charité publique, forment le corps électoral. Ils élisent directement, pour le terme de trois années, les membres du Folkethitig ou de l'Assemblée populaire, dont le nombre est fixé à 102 pour toute la monarchie. Les 54 membres élus du Landsthimj ou de la Chambre haute sont nommés pour huit ans par des corps électo- raux, composés en partie des plus fort imposés des villes et des campa- gnes, en partie de délégués des citoyens. A ces 54 membres temporaires, le roi en ajoute 12 à vie, qu'il choisit parmi les membres actuels et les anciens membres de l'Assemblée. Représentants et sénateurs, formant ensemble la Diète ou Rigsday, sont rémunérés les uns et les autres au même taux, environ neuf francs par jour, pour leurs fonctions. De même que dans les autres pays constitutionnels, c'est la Chambre populaire qui discute en premier lieu le budget présenté par le gouvernement. Tous les quatre ans, le Landsthing choisit dans son sein les quatre juges assistants de VHôicsteret ou Cour Suprême, qui seule peut connaître des accusations portées contre les membres de l'une ou de l'autre Chambre.

Le pouvoir exécutif est exercé par un ministère composé de six mem- bres : le ministre des finances et président du conseil, les ministres des affaires étrangères, de l'intérieur, de l'instruction publique et des cultes, de la justice et de l'Islande, de la guerre et de la marine. En droit, ils sont individuellement et collectivement responsables de leurs actes, et, en cas de condamnation, ils ne pourraient être pardonnes qu'avec le consen- tement du Folkething. Le roi doit professer la religion luthérienne, re- connue comme religion de l'Etat; sa liste civile est de 1400000 francs; celle du prince héritier s'élève à 168 000 francs. Les juges des 18 tribu- naux de première instance sont nommés par le roi, de même que ceux des deux cours d'appel, siégeant l'une à Copenhague pour les îles, l'autre

' Danemark 288 suicides par million d'habitants.

France 110 « « »

{U. C. Lumbaid. ÎVH(7t' de climalokxi'ie iiwitkale.)

.\nM!MSTIÎ\TI(1N 1)1' ItANKMARK.

à Vihorg |)oiir K; ,l\ll;iii(l. ,liis(|ii'ù iiiio c|)oi|ii(' n'ciMitc, le pouvoir jiuliciairo et le pouvoir adininislialir élaioiil iriiiiis dans les imbues mains : ilcpuis

une loi de 1868 a décidé que cet élat de choses changerait dans un avenir prochain; les deux pouvoirs doivent, désormais, être séparés, mais celle transformation, qui s'accomplit graduellement, n'est pas encore ter- minée.

La procédure civile, qui se faisait par écrit, se fait aujourd'hui puhlique-

50 NÛUVKLLK GÉOGRAPHIE IMVERSELLE.

ment et par débat contradictoire. Les avocats, qui sont en même temj)* avoues, se divisent en trois classes, et seulement un petit nombre d'entre eux, les avocats à la cour suprême, ont le droit de plaider devant tous les tribunaux : on ne comptait dans le royaume que 11 de ces hommes de loi en 1872.

Bien que le culte liilliérien soil officiellement la religion de l'État, la liberté des confessions est entière en Danemark, et, si ce n'est par la voie indirecte du budget, nul n'est tenu de contribuer à l'entretien d'un culte qui n'est pas le sien. Les fidèles ont même conquis le droit de se grouper et de se cotiser pour la fondation de paroisses dites c électives », dont ils nomment et payent les desservants.

Les sept évoques du royaume, sans compter celui de l'Islande, ceux de Sjàlland, Laaland-Fnlsler, Fyen, Ribe, Aarhus, Viborg, Aalborg, sont des personnages considérables, jouissant de grands -privilèges ; mais ils n'ont pas accès dans la Chambre haute. D'ailleurs la population pres- que tout entière, d'après les registres de l'église, est classée comme luthérienne : le nombre dos dissidents ne s'élève pas même à un centième des habitants.

Parmi les non-luthériens, les juifs sont en majorité, puis viennent les anabaptistes et les mormons; les catholiques romains ne sont qu'au qua- trième rang'.

D'après la loi de réorganisation de l'armée, passée en 1807, tous les Danois valides îîgés de 22 ans doivent le service militaire à l'État, pendant huit ans dans l'armée régulière, pendant huit autres années dans la réserve. En réalité, ils ne servent que durant une période d'exercice variant de quatre mois à neuf mois, suivant les corps; mais un certain nombre de recrues sont rappelées pour de nouveaux exercices, et tous les ans les sol- dats prennent part à des manœuvres qui durent de trente à quarante-cinq jours.

La force totale de l'armée de ligne est évaluée à 55 000 hommes, celle de la réserve à 15 000 hommes.

La conscription recrute les hommes de la côte, surtout les marins et les pêcheurs, pour le service des navires. Les équipages de la flotte com- prenaient en 1877, vers la fin de l'année, 2850 hommes, sous les ordres

' Danois classés par religions, en 1870 :

Lnthétiens. . . I 769 583 1 Mormons 2128

Juifs 4 290 Calholiqucs ■! 857

Anabaptistes 3 225 | Réformé? U33

lËtaliiiililBïita

AliMIMS I i; \'l ION li|i ii\m:m \UK. 53

d'un iiiiiinil, (le H oomiiiaïKlmils, de '1-1 cMiiitniiics l'I, de lU'J lioiilonniils '.

Los possessions coloniales du Itiuieniark soiil l'orl ('lendnes : il esl vrai (luo les doux i)lus vastes lerriloires qui lui a|i|i,nlieni!cnt, l'Islande et le Ciroenland, sont en grande partie inliahitaljles : c'est avec difficulté que l'on a pu pénétrer çà et sur le pourtour des immenses champs de glace qui occupent l'intérieur du Groenland; on ignore même comment cette île se (erniiiie du côté du pôle. Après l'Islande, les possessions les plus importantes du Danemark sont trois des petites Antilles : Sainte-Croix, Saint-Thomas et Saint-Jean, situées à l'angle nord-oriental de la mer des Caraïhes, aux « déhouquements » de cette méditerranéc vers l'Atlantique. Le port de Saint-Thomas est l'un des principaux centres de rendez-vous et de croisement pour les navires'.

Le budget du petit État, dont les possessions parsèment néanmoins un espace si considérable du monde, est assez prospère, en comparaison de celui des grands Étals. En moyenne, ses dépenses, qui s'élèvent d'or- dinaire à 65 millions de francs, sont couvertes par les revenus, et la dette a été considérablement réduite pendant les dernières années \ Devenu trop faible comme puissance militaire pour n'être pas à la merci de sa voisine du sud, le Danemark a cessé de faire, comme autrefois, de conti- nuels préparatifs pour une guei're à outrance. La plupart des forteresses ont été abandonnées ou ne sont plus entretenues avec le soin que deman- dent des places fortes : les principaux châteaux du Danemark sont des musées ou des palais de plaisance, comme Rosenborg et Frederiksborg.

' Étiil lie l;i m-.inne danoise au commenccmenl de 1878 :

Kavircs cuirassés 8 partant 79 canons.

Vaiicurs à hélice non cuirassés 12 » 150 »

» a roues » o

Canonnières à hélice .

Transports 21

Autres bateaux 17

27

Total (J7 vaisseaux.

Possessions du Danemark :

Supcrncic. Popiilalioii en 1876. Populnlinn Idlomctriquc.

Fàrôer 1 555 kil. carrés. lOtSOOhab. 8 liab.

Islande 1021)05 » 71500 » 0.7 ..

Groenland 88100 i> 0577 i>, 0.1 »

Petites Antilles. . . .5.yj ,> 57 000 » 10.^

Ensemble. . 192 755 kil. carrés. 128 877 hab. 0.00 hab.

Dette du Danemark :

1800. . . Capital ."01212075 francs. Intérêt 35420425 francs.

1877. . » 241789 500 .> » 17 495 450 »

54 NOUVELLE GÉOGRAPHIE UNIVERSELLE.

Adminislrativement, le pays est divise en dix-huit bailliages {amter) ou préfectures, subdivisés en 156 arrondissements (herreder) :

DIVISIONS

rOPLLATION

BAILLIAGES.

siPLnnciE.

GéoanrAmtjLL',.

EN 1874.

Copenhague (ville) . . .

13 kil. car.

193000 hab.

» (cnmpagnc)

1211

111400 »

Sjalland et Moen

Frcdcriksborg ....

1355

85 500 »

Ilolbœk. . . .

1024 »

90100 »

Soro. . .

1 1472

87 200 »

PlJESlO .

! 1009

100 100 ..

liohNUOLM

Burnhohii. Hai-ibo . .

1 584 j 1000

55 000 « 92 400 ..

L-ULAND ET FaLSTEU. . . .

FïEN ET ILES VOISINES .

Odense .

.1 1705

120 700 M

Svcnborg .

1041

117 800 »

Iljôrring. .

2775 ,.

95 400 >.

Thisted. .

1087

05 300 .

Aalljorg. .

2956

91500 »

Viborg . .

3051

87 800 .

JïLLAND

Randers. . Aarhus . . Vejle. . . Ringkjob.n^

2455 . 2477 » 2350 4527

100 300 « 132 500 .< 107 400 i. 79 500 »

Rihf. . .

5045

08 900 »

CHAPITRE

LA PENINSULE SCANDINAVE

NORVÈGE ET SUÈDE

La grande presqu'île Scandinave comprend deux États distincts, quoique gouvernés par un même roi et liés l'un à l'autre par des relations fort étroites. Norvège et Suède, Norge et Soerige, veillent avec une singulière jalousie à leur indépendance politique respective, et même pour les usages et le genre de vie le contraste entre les deux peuples se marque nettement. De môme, au point de vue géographique, la Norvège et la Suède forment des régions naturelles en opposition tranchée, puisque l'une se compose, d'une manière générale, de plateaux et de montagnes tournant leur versant brusque vers l'Atlantique, tandis que l'autre est une longue déclivilé s'abais- sant vers une mer intérieure. Mais le contraste physique et la séparation politique n'empêchent pas que la Norvège et la Suède, ou le Westarfold et l'Austarfold comme on les appela jadis' ne fassent partie d'un corps qui présente un caractère distinct des autres parties de l'Europe et qu'il importe d'étudier dans son ensemble. Le nom de Scandinavie ou d'île de Scandia, appartenant autrefois à l'extrémité méridionale de la Suède, s'est étendu peu à peu à toute la péninsule, indépendamment de ses divi- sions politiques, et cette communauté du nom indique, en effet, que les diverses régions baignées à l'ouest par la mer du Nord, et par la Baltique à l'est, se rapprochent et s'embrassent pour ne plus former qu'un seul individu géographique. La frontière naturelle de la presqu'île rejoint direc- tement l'extrémité septentrionale du golfe de Botnie au Varanger-fjord, sur

' G. llaag. Die VOlker um die Ostsee, Bnltische Studien, 1878.

56 NOUVELLE GEOGRAPHIE UNIVERSELLE.

la mev Glaciale, cl quoique les conventions politiques aient fait ployer la lifine tle séparation de la manière la plus bizarre dans la direction de l'ouest, en permettant à la Russie de couper presque entièrement du reste de la Scandinavie politique le territoire de Finmark, de pareilles limites, tracées au milieu des solitudes, n'ont qu'une faible importance : c'est bien à l'endroit indiqué par la nature que la Scandinavie s'enracine dans la masse énorme de la Russie d'Europe.

Même dans les limites que lui a laissées sa puissante voisine, la Scandi- navie est une des contrées les plus vastes du continent, dépassant la France, rAUcmagne, l'Ausli'o-Hongrie, n'ayant que la Russie de supé- rieure pour la grandeur du territoire. Grâce à sa position, à la fois sur une mer intérieure qui lui permettait de communiquer avec l'Europe lie l'ouest et du centre, et sur le grand Océan extérieur qui la mettait en rapport avec le reste du monde, la Scandinavie devait acquérir dans l'équi- libre des nations une certaine importance ; ses enfants, les Gotbs, les Nor- mands, les Varègues, ont en effet laissé une trace profonde dans l'histoire comme navigateurs et conquérants. Plus tard, quand l'Europe moderne s'était déjà constituée, les Suédois, maîtres d'une partie des rivages orien- taux et méridionaux de la Raltique, ont pu porter leurs armes, d'une part jusque dans les Vosges, dans le Jura français, sur le Danube supérieur, d'autre part jusque dans les steppes russes voisines de la mer Noire; mais c'est précisément alors, par le désastre de Poltava, que commença la décadence politique. Avant même d'avoir perdu toutes leurs possessions en dehors de la péninsule, les Suédois étaient déjà menacés sur leur propre sol, au nord de la Raltique : en même temps que le premier démembre- ment de la Pologne, Frédéric II préparait celui de la Suède'. Pendant les guerres du commencement du siècle, les brusques oscillations politiques du pays, les soudains changements d'alliances, le renversement de la dynastie, enfin la perte définitive de tout territoire sur le continent, prou- vèrent dans quelle large mesure la destinée des États Scandinaves dépen- dait de leurs puissants voisins.

Quoique ramenée, pour ainsi dire, vers le sud par la douceur de son cli- mat maritime, la Suède est pourtant dans son ensemble un pays trop froid pour que la population ait pu s'accroître au point d'égaler celle des États de l'Europe tempérée; elle est restée presque déserte, en comparaison de l'Allemasue et de la Russie centrale. Par le nombre des habitants,, la

' Ailiclo socicl du li'ailé de 1704, Aicliivcs de Berlin; A. Gelfroy, Giislave 111 el la cour de Fnwa; I. \. p. M.

PfiNIN'SIILI'; SCAIVDIN.WF, 57

Siièdo ol la Norvège, coiisidôréos comme si elles ne lormaieiil ([u'ime seule nation, dépassent la Belgique d'un eiiKjnième environ ; mais l'espace sur lequel sont éparses les [)opulations Scandinaves est vingt-six fois plus considérable'.

II

Dans la péninsule, la Norvège est le pays des plateaux et des mon- tagnes, la Suède celui des longues déclivités et des plaines; c'est h une faible distance moyenne de la mer extérieure que se prolonge le faîte, mais un faîte très inégal, interrompu de brèches nombreuses. Dans ses limites politiques, presque toute la Norvège septentrionale n'est qu'une bande de territoire montagneux dominant l'Atlantique, et c'est dans cette zone étroite que s'élèvent les plus hauts sommets de la presqu'île Scan- dinave. En moyenne, on peut évaluer à un quart ou à un cinquième seulement la longueur de la pente norvégienne, comparée à celle de la contre-pente suédoise. Le géographe Forsell a comparé tout le massif Scandinave à une vague prodigieuse qui se serait figée soudain au moment elle va déferler. Un tiers de la Norvège et un douzième seulement de la Suède se trouvent à plus de 600 mètres d'altitude'.

Sur le développement de 1900 kilomètres qu'il présente, des bords du Varanger-fjord au Lindesnœs, le faîte Scandinave est loin d'offrir l'aspect d'une chaîne de montagnes, telle que la figurent naturellement les petites caries le relief doit être indiqué d'une manière générale, et telle que tous les géographes l'imaginaient avant que Munch eût décrit exac- tement le relief du territoire'. Dans son ensemble, la Norvège se compose de plateaux et de massifs séparés, posés sur un socle commun ayant de 600 à 900 mètres de hauteur et coupés de distance en distance par de profondes entailles qui font communiquer les deux versants ; mais ces plateaux peuvent se diviser en deux parties bien distinctes : au nord, le Kjôlen, qui se prolonge du Finmark au plateau de Trondhjem; au sud.

Supeificie, Population

J'après Bclim cl Wagner. probable en 1879. Populalion kilomélr:

Norvège 316 694. kil car. 1925000 liab. 6 hab.

Suède. 442 203 » 4 550 000 » 10 "

Péninsule Scandinave. . . 758 897 kil. cal'. {"> 475 000 hab. 8.5:

Ed. Eislt'v, Lœnboij i den almindelitjcr Geo(jrafi. Giva yoivegica. Cliristiania, 1850.

58 NOUVELLE GÉOGRAPHIE UNIVERSELLE.

le Dovre et les massifs voisins. La hauteur moyenne des sommités norvé- giennes n'est que la moitié de celle des Alpes, tandis que la base géné- rale du système Scandinave dépasse d'un tiers en largeur la base du système alpin.

Même à l'extrémité nord-orientale, dans tout le Finmark, il n'y a point de faîte, pour ainsi dire ; le pays entier, dont l'altitude est d'environ 500 mètres, est une vaste plaine inégale, composée de roches paléozoïques, sur lesquelles s'élèvent çà et des montagnes ayant en moyenne 500 mètres de hauteur. La cime la plus fière de la contrée est le Raste-Gaize, qui se dresse près de la frontière russe, au-dessus de la vallée du Tana-elf : elle dépasse 850 mètres, élévation que n'atteint aucun autre sommet dans la direction de l'est, jusqu'aux monts Oural : non loin de là, disent les Lapons, se trouve un cône d'oii s'échapperaient parfois des vapeurs brûlantes et autour duquel les neiges fondraient rapidement'. Quoique l'altitude générale du pays soit peu considérable, les promontoires qui s'avancent dans la mer, à l'extrémité de chaque njarg ou presqu'île den- telée, se terminent presque tous par de hautes terrasses abruptement coupées et que l'on croirait être les soubassements de sommets alpins : un de ces caps est le Nord-Kyn ou Kinerodden, la saillie la plus septen- trionale du continent d'Europe ; deux autres, la pointe peu élevée de Knivskiiirroddcn et le haut cap Nord, plus rapprochés du pôle de six kilomètres, appartiennent à une île de granit, Magerô\ séparée de la Nor- vège par un étroit canal. Le formidable rocher, que des crevasses découpent en piliers énormes, domine de plus de 500 mètres le mouvement continuel des flots : sur le flanc oriental de la falaise, à mi-hauteur des escarpements, s'avance une « corne », bloc détaché que les marins signalent au passage. Le cap Nord est un des points indiqués par le navigateur autrichien Weyprecht comme un des endroits les plus favorables pour l'établisse- ment d'un observatoire polaire de météorologie.

Au sud-ouest du cap Nord, les hauteurs du littoral et des îles se suc- cèdent en montagnes âpres, assez rapprochées les unes des autres pour offrir de loin l'aspect d'une chaîne continue : c'est que commence le Kjôlen proprement dit" ou le faîte de la Scandinavie du nord. Dans l'île de Seiland, le fleuve de glaces le plus septentrional de l'Europe s'épanche des

' Globus, XXXII, II- 2.

- Pour l'orlliographe des noms géographiques de la Norvège, nous suivons l'ouvrage récent di' M.O. J. Brocli, Le royaume de Norvège et le peuple norvégien. Toutefois nous continuerons d'em- ployer avec un grand nombre d'auteurs la lettre ô au lieu de Vo liarrée,

■■ Kjolni en norvégien; Kiilen en suédois.

MOMAGNES 1)K LA SCAM

.N'A VIE. 5U

sur la t('rr(> forme, le 'j\;\- liiic de l'AlliMi-Ijonl. Sur le uui'iint glacé, paivi! à <(mix

neifïes persistantes d'un cirque de rocli eicr de Talvik descend trordinairo jusi] versant méridional du même massif nu du Groenland, s'écroule dans les t\iu\ du Jokel-fjord ' : c'est le seul endroit de la Scandinavie l'on puisse voir encore le spectacle, si fré- quent dans une époque oéoloj-iqiie antérieure, de fragments de glace se rompant au-dessus de l'eau qui les mine et voyageant au loin balancés par le flot. An sud de

ces premiers glaciers, ^ '- ~ '" '"'■'"»

la Norvège en offre beaucoup d'autres, dix et cent fois supérieurs en étendue ; mais tous se fondent avant d'at- teindre la mer : on ne voit plus que les traces laissées par les anciens fleuves de glace dans les vallées inférieures. La plus grande mon- tagne du Kjôlen septen- trional est le Sulit- jelma, qui s'élève en- core au nord du cercle polaire, au-dessus des ramifications orienta- les du Saltcn-ijord. Ce z<../.,„yj„,w. ...,. a^^,^^:u^oa. n'est pas un pic isolé,

mais plutôt un groupe de sommets reposant sur une base commune, hante de près de 1500 mètres et recouverte d'une prodigieuse quantité de neiges, s'alimentent des glaciers. Au sud de ce massif, et séparé de lui par un lac profond, se dresse le Saulo, moins élevé que les cimes principales du Sulitjelma, mais solitaire, imposant d'aspect et dominant un panorama très étendu, limité du côté do l'ouest et du sud-ouest par l'énorme plateau que recouvre le Svartisen ou le « Glacier Noir » sur un espace 'évalué de iiOO à 800 kilomètres carrés : c'est le plus grand névé de la Scandinavie septentrionale. Au sud de la rivière Vefsen, un autre plateau, le Store-

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Widciberg, NoU& manuscrilcs.

60 NOUVELLE CÉOGRAFIUE UNIVERSELLE.

Borgefjelcl, porte un névé de 580 kilomètres carrés. Des montagnes de 1400 et de 1500 mètres de bailleur s'élèvent encore dans cette partie du Kjôien; puis le faîte s'abaisse et de larges passages s'ouvrent dans son épaisseur entre les deux versants. Un plateau marécageux, réunissant deux lacs et par eux deux vallées, qui s'inclinent l'une vers le fjord de Trondbjem, l'au- tre vers le fleuve Indals, atteint à peine l'altitude de 450 mètres. Près de là, une route carrossable, la plus septentrionale du faîte, a son point cul- minant à 510 mètres; à quelcpie distance au sud, de l'autre côté du massif de KjoUioug, le cliemin de fer de Trondbjem à Sundsvall francbit le Kjôlcn

s" i: PBora iiu faîte Scandinave.

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à 594 mètres de bauteur. Quelques grands sommets, peu inférieurs au Sulitjelma, se dressent isolés dans cette partie méridionale du Kjôien; puis le prolongement normal du faîte, se détournant au sud-est, pénètre en Suède et s'abaisse peu à peu en une simple terrasse qui disparaît par degrés, entre les vallées du Klar-clf et du Wesfer Dal-elf, vers les bords du lac WelLern'.

De bas cbaînons, des terrasses rejoignent celte ramification, du Kjôien au Tiveden et à d'autres collines, en grande partie composées de débris, qui servaient autrefois de limite naturelle aux deux moitiés de la Suède, Nor- dan-skog et Sunnan-skog, la « Forêt du Nord » et la « Forêt du Sud ».

' .Vlliliulcs (les mo

nl-jgn

s pi-incipalcs du Kjolen

Uasle-Giuzc. . . .

. . 802 inèli-es.

Cap Nord

508 »

Sommet de Seilaiid

. . 942 .

Sulilielma ....

. . 1880 «

Saille 1698

Kjolhoii,' 1280

Sylfjeld.' 1790

Faxefjeld 940

MONTAGNES

.\ SCWni.NWlK.

Ouan( aux divers groupes do hauteurs qui s'élèvent dans la partie méri- dionale de la péninsule, et notamment dans la Scanie, jadis île séparée du reste de la Suède par de larges détroits, il faut les considérer comme tout à fait distincts des massifs du faîte norvégien, quoiqu'ils soient formés presque en entier des mêmes roches cristallines et paléozoïqucs et qu'ils aient été parcourus pendant l'époque glaciaire par les blocs erratiques venus ihi Kjolfn. Cependant des roches basaltiques forment un petit massif en Scanie, el des trapps se sont répandus au-dessus des couches sédi- mentaires dans la Veslrogotliie. Les hauteurs du sud conslituenl dans

leur ensemble un plateau très inégal, dont le point culminant arrondit sa croupe à une trentaine de kilomètres au sud du lac Wettern. Près de se dresse le Taberg, montagne à brusques parois qui se compose entiè- rement d'un minerai de fer magnétique contenant près d'un tiers de métal pur. Dans la Suède méridionale, quelques collines, d'autant plus belles qu'elles sont isolées, s'élèvent çà et au-dessus des plaines du littoral : tel est le promontoire silurien de Kullen, qui s'avance en forme de harpon à l'entrée septentrionale du Sund ; les marins cherchent de loin cette falaise qui doit les guider en montant peu à peu au-dessus des Ilots'.

Altitudes principales de la Suède m<

Galtasen, au sud de Jônkôpin^ . 026

Taberg » » . . 312

Kinne-kulle (au sud du lac \Ve-

nern) -298

Billing (entre les lacs Wettern et

AVenern)

Mosseberg, id

Kullen, an nord du Sund. . . .

275 Mièlros. 265 »

62 ISOUVELLK GÉÙGli AI'lllE UiM VERSELLE.

Tandis qu';) l'est le Kjolcn méridional s'abaisse définitivement vers les basses plaines de la Suède, il s'appuie à l'ouest sur le plateau de Trondhjem, dont la hauteur moyenne est de mille mètres dans sa partie centrale et qui s'incline doucement vers le nord et vers le sud ; le chemin de fer de Christiania ' à Trondhjem, qui s'élève au sud par la vallée du Glommen et par la ville minière de Rôros, franchit le seuil à 670 mètres d'altitude seulement ; mais à l'occident du plateau tout le reste de la Norvège est un pays élevé, coupé du côté de la mer par de brusques escar- pements. C'est que se dressent les plus grands sommets de la pénin- sule Scandinave et de toute l'Europe au nord du Tatra : s'étendent les fjeldene' ou champs de neige les plus vastes, et chacun d'eux est entouré de glaciers (brae), que dominent quelques saillies ayant la forme de dénis (tind), de cornes (liorn), d'arêtes {ecjg), de croupes (kol ou nut). Les massifs distincts sont nombreux et peuvent être classés diversement, suivant l'importance que les géographes donnent aux échancrures du pla- teau. Au nord-est s'élève le Dovre (en français Dofrincs), dont le nom est applique souvent à tout le plateau, et au-dessus duquel, parmi d'autres montagnes de plus de 2000 mètres, se dresse la pyramide émoussée, d'ailleurs peu imposante % du Snehœtten, longtemps considérée à tort comme le plus haut sommet de la Norvège. Les Alpes de Romsdal, les Langfjelde se succèdent au sud, dans le voisinage de fjords aux cent bras. Les « Monts des Géants « ou Jotunfjelde, dont les cimes nombreuses domi- nent les ramifications orientales du Sogne-fjord, méritent bien leur nom, car ces pointes sont les plus élevées de la Scandinavie, et l'une d'elles, le Galdliôpiggen ou Ymesfjeld, redresse les saillies bizarres de ses crêtes à plus de 2 kilomètres et demi au-dessus de l'Atlantique. Il n'est point de montagnes en Europe d'où le regard se promène sur un hoi'izon plus vaste de neiges et de rochers; dans l'immense étendue nul vallon verdoyant ne révèle le séjour de l'homme, et l'on n'y voit pas même de taches sombres indiquant les forêts'. Plus à l'ouest, et déjà découpé au sud par les golfes latéraux du Sogne-fjord, s'étend le névé de Justedal (ou Jostedal), le plus grand plateau neigeux de la Scandinavie et de l'Europe continentale, car ce névé, entouré de roches encore inaccessibles, ne recouvre pas moins de 900 kilomètres carrés d'un manteau de neige immaculée, de toutes parts

' 11 scniit plus régulier d'écrire Kristiania ; mais l'ancienne orthographe du nom s'osi maintenue il côte de la forme nouvelle.

- Fjeld en norvégien; fjàll en suédois.

= Cari Vogt, Nord-Fahrt.

> Ruilh, Mitlheilungen von Peiermann, 1876,

MOr;TAGNES |)K |,A NniiVKCK MKK IIIION AI.K 05

fraiifrô lie glnciors qui dcseciuloiil dans los cii'qiics '. An snd dn Hanlanpoi- fjortl, un autre grand nôvô, celui du Folgcrcuiu on lulj^crondon, s'élcnd

IS ri.ATEAt!X ET MONTAGXES m- lA NOIlvfCK MÉIIIIHOVAI.I!

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sur un espace évalui'" à '280 kilomètres carrés, et de la mer ni("'nie, par delà le rempart d'îles montueuses qui liordeiil le liltoral, on aperçoit ces neiges

C. (le Seue, Ld nth'é fie .Ihslrilitl l'I ses dlacim. Clii

fii NOUVELLE GEOGUAI'llIE UNIVERSELLE.

brillani cuire les roches noires, au fond des sombres avenues des fjords. Beaucoup d'autres massifs, moins hauts ou moins fréquentés des voya- geurs, complètent le relief de la Norvège méridionale, le Hardangervidde, les Oplande, les monts d'Ovre-Telemark (ou Thelemark) et ceux du Sae- tersdal, qui vont se terminer à la roche aride, allongée et polie du cap Lindesnaes'.

Quoique situés sous une latitude plus méridionale que le Kjôlen, le Justedal et les massifs environnants doivent leur abondance plus considé- rable de névés à la plus grande largeur de leur base, située en partie au-dessus de la limite des neiges persistantes, qui dans cette région de la Norvège entoure les monts à l'altitude moyenne de 1200 à 1400 mètres. Les glaciers de Justedal sont aussi les plus étendus de la péninsule; grâce au voisinage des villes, Christiania, Stavanger, Bergen, Trondhjem, ce sont aussi les plus connus, et depuis longtemps déjà on en raconte les mouve- ments alternatifs de progrès et de recul. Pendant le cours du dix-huitième siècle, ces glaciers ne cessèrent d'augmenter : des fermes, des champs cul- tivés furent envahis par les moraines, et la population dut graduellement battre en retraite devant les fleuves solides ; de petits glaciers commençaient à perler sur les pentes des alentours, et plusieurs cimes qui précédemment se débarrassaient de leurs neiges tous les ans, restaient blanches pendant l'été. Depuis 1807, un mouvement de retraite a commencé pour les gla- ciers : quel(|ues-uns d'entre eux se montrèrent de 700 et mémo de 1000 mètres moins avant dans les vallées, et les moraines restent isolées au mi- lieu des pâturages. Mais on cite aussi des fleuves de glace de la Norvège mé- ridionale qui n'ont cessé d'avancer : tel est le Buerbrae, dans le Folgefonn, qui continuait sa marche en 1871, et dont l'exlrémité inférieure se trou- vait alors à 577 mètres d'altitude'. Actuellement plusieurs des glaciers du Justedal descendent au-dessous de 500, de 400, même do 500 mètres. Deux glaciers qui s'épanchent du versant méridional de ce massif, le Boiumbrae et le Suphellebrae, s'arrêtent l'un à 149 mètres, l'autre à 50 mètres seu- lement au-dessus des eaux du Fjœrln-fjord, un des bras du Sogne-fjord\ En étudiant les intervalles des rubans de glace boueuse, David Forbcs évalua la marche annuelle d'un courant glacé de cette région à 51 mètres par an,

' Allitudos diverses de la Norvège méridionale ;

Ymesfjeld (Jôtunfjeldene) .... 2560 mèl. 1 Stygfjcld (Oplande) 1880 met.

Sneha;Uen (Dovre) 2322 » Folgefonn 1050 »

Lodalskaupe (Jusledalsbra;) . . 2055 » | RomsJalliorn (Alpes de llouisdalj . 1255 »

2 Frilz, Mitihethmgen von Petermiiim, X, 1870.

■• S. A. Sexe, Le Glacier de Boiiim en juiliel 1868.

MONTAliNKS KT CL ACIKliS Dl': I, \ NidlVKCK M Kli lllIdNALK. 07

cl <iiil |i(iii\iiii' (li'diiirc (11' ^('s ()lis(M\;iliinis i|iji' le iiKMivciiH'nl di's lihiccs llll|■V('^i(MlIU's, iiilcirnni|iu par un plus loiii; hiver, csl plus rajjidc en ('U'' (pic.rlui do , places de la Suisse'. Du 10 au I juillel 1 8(i.S. en div jou is. le -lacici' de lidiuiii pidnivssa de Tt ukMivs ,'.() (TiiliiiiMics, M)il de plus

l'un doiui-Mièli

par j(

Onoi(pi(' les lU'vc's de la Norvège soicul licaucoup plus l'Icndus (pic ceux (les Alp(^s, les lilaeiers proprcnieiil dils du pays Scandinave no ponv(Mil se coniparei' à ceux de l'ivirope ecMirale. Forhes évalue les deux plus vasies glaciers du Jnslodal, le l.odal el le Nefiaardsiirac, à un sepli('nie au plus de la surface du «ilaciei- d'AlcIscli : il semhlerail an premier aimi'd en devoir (■■Ire aulreuienl, cai' les cimes norvégiennes reçoivent une plus grande (pianlih' de ucii^e (pic les Alpes de la Suisse. La cause du contraste cpie présenteiil les dimensions des glaciers dans les deux contrées provieni de la Ibniie des uKnitagnes. Tandis que les grandes Alpes sont pour la plu- part d'aspect pyramidal et découpent en dents de scie le liord de l'horizon, les monts de la Norvège ont plutôt l'apparence d'un mur crénelé. Dans les Alpes, les dépressions des cimes sont des cirques inclinés, que des couloirs larges ou étroits réunissent à d'autres sillons de la montagne, et lonl communiquer à des vallées inférieures s'amassent en puissants cou- rants de glace les neiges tomhées sur les sommets : grâce à la déclivité générale des roches, le glissement des molécules neigeuses se fait régu- lièrement sur toute la pente. Dans les massifs norvégiens il n'en est pas ainsi : la neige tombe sur des plateaux très faiblement inclinés ou dans de profondes gorges ouvertes comme des lézardes dans l'épaisseur (h; la masse rocheuse; elle séjourne sur les hauteurs, promenée par les tour- billons du vent, tandis qu'elle fond dans les gorges basses sans se changer en glaciers : les courants de neige cristalline ne peuvent se former qu'en petit nombre el sur de faibles espaces.

Les montagnes de la Norvège, vues de la mer, frappent le spectateur par leurs arêtes noires, leurs couloirs neigeux, leurs terrasses blanches se confondant avec les nuages ou contrastant avec le ciel bleu. Chaque année plus nombreux, les voyageurs, anglais pour la plupart, viennent contem- pler ces rangées de sommets; mais, dans leur ensemble, elles doivent à leur architecture même d'offrir des paysages beaucoup plus monotones que les Alpes et les autres chaînes de montagnes européennes. Les pla- teaux de 1000 à 1500 mètres de hauteur, que la neige ne recouvre plus en entici- pendani l'i-té, el (pie l'on connaît, suivant les provinces, sous les

' AoniYii/ (Util ils (jltirieia vixilcd m llie ijeiir ISol.

68 NOUVELLE GÉOGRAPHIE UNIVERSELLE.

noms de Heitc «u « Bruyère » et de Viddene ou « Étendues », sont des espaces mornes, plus désolés que le désert. Seulement quelques hau- teurs neigeuses, pareilles à des tentes posées sur le plateau, apparaissent çà et là. Des flaques blanches non encore fondues se voient à l'ombre des grosses pierres et parmi les amas de cailloux; des roches brisées par le dégel parsèment le sol comme les dalles d'un édifice ruiné ; au pied de chaque saillie du roc se sont amoncelés les débris. La terre est une argile rougeâtre et gluante, l'on ne marche qu'avec peine; des tourbes, des prairies tremblantes se sont formées dans les bas-fonds, et des eaux noires cheminent paresseusement d'élang en étang, cherchant la pente d'où elles pourront se précipiter dans les basses vallées. La végétation n'est représentée que par des mousses, des lichens, d'hum- bles graminées; des genévriers, de petits saules même se montrent dans les endroits bien abrités; mais les traces de l'homme sont absentes, si ce n'est dans les rares endroits des routes, serpentant à l'abri des monticules, évitant les marécages, franchissent le plateau pour réunir les deux versanis.

A la base des montagnes, on se croirait dans une autre natin-e, et du moins l'on est déjà sous un autre climat. séjourne l'homme, et sa demeure se voit au milieu de la verdure des arbres, à côté des eaux ruis- selantes. Du côté de la mer, les escarpements du plateau se montrent dans toute leur hauteur; on les suit du regard, en remontant des éboulis qui cachent le pied des roches aux aiguilles de l'arête d'écroulement qui limite le plateau : quelques croupes neigeuses apparaissent entre les saillies les plus élevées ou se confondent avec les nues du ciel. Mais c'est l'opposition de la surface unie des golfes et des roches abruptes qui s'y reflètent, c'est le panorama toujours changeant des fjords, ce sont les promontoires entourés d'écueils, les archipels d'îlots, le dédale des bras de mer, qui donnent aux tableaux du littoral norvégien leur étrangeté sauvage. Nulle part dans le reste de l'Europe, pas même entre les longues péninsules irlandaises de Kerry, pas même dans les firths écossais gardés par des promontoires basaltiques, les montagnes entre lesquelles serpentent les eaux marines, ne se dressent plus grandioses et plus terribles. Le na- vire qui pénètre dans les sombres avenues des fjords, entre des parois de rochers presque verticales, apparaît d'en haut comme un insecte qui se débat au fond d'un puits. Le Bakke-fjord, qui s'est ouvert du nord au sud, sur la côte méridionale, entre Stavanger et Lindesnaes, n'est qu'une fissure, une « fente du sol », comme les canons du Colorado. De même, le Lyse-fjord, à l'est de Stavanger, et les grandes aveiuies convergeant vers

llÉCOrPl'RKS, ARCIIII'KI.S llll IJTTOHAI.. 69

(^lirislinrissiind. rcssciuMciil ;"i des Iosm's iccliliuiics cr(Mis(''s en ;iliîiiics dans l'épaissi'iir des nudus.

Frangvanl la vùle de Noivryc, de Mai;cio au Ijoid de Slavaii^ucr, des moiilagnes insulaires, Jeh'es en nu dc'sordiv a|i[iari'iil, (darLilssiMil eu plciiu' mer le versant occidental du l'aile Scandinave. Kn deliors des |i('ninsnles montueuses qui ne tiennent au ((inliiieiil (|ue par des isllinies liaijinant dans les eaux des (jonls, s'élèveiil d'aulres soniiiiels, formés des mêmes

1 : 910 000

roches, présentant le même aspect, moins élevés seulement et j)lon- geant leur base dans une mer ])lus profonde : plus loin viennent encore d'aulres îles moins hautes qui continuent en mer le promontoire partiel- lement immergé, puis au delà se succèdent les îlots et h^s écueils, innombrables découpures du skjdrgaard. Les Norvégiens comparent ces îles extérieures à des animaux marins : les rochers qui se voient à l'extrémité de mainte grande île sont appelés par eux des kaice ou des « petits », comme les baleineaux qui suivent toujours leur mère. Même

70 NOUVELLE GÉOGRAPHIE UNIVERSELLE.

flans los Iles Britanniques, plusieurs rochers gardent encore le nom de calves que leur ont laissés les anciens envahisseurs Scandinaves : tel est le Calf, qui se dresse à côté du promontoire méridional de l'île de Man'.

C'est dans la province de Tromsô, au nord de la Norvège, que les îles du littoral sont en plus grand nombre, s'étendent plus largement sur les eaux et dressent leurs plus hauts sommets : en plusieurs endroits, c'est même en dehors du continent que se prolonge le véritable f;ùte de la con- trée. En effet, le Kjôlen proprement dit est assez bas à l'est de la chaîne de montagnes, découpée en de nombreux fragments, que forment l'île Scnjen et les archipels des Vester Aalen et des Lofoten, et qui se dirige au sud-ouest, en s'écartant peu à peu de la grande terre, de manière à em- brasser un large golfe connu sous le nom de Yest-fjord. Quelques-uns des sommets de cette chaîne maritime dépassent 1000 mètres de hauteur, et même il en est un, dans Uindo, la plus grande île des Lofoten, qui s'élève à 1500 mètres. Depuis Forbes, de nombreux voyageurs ont comparé la chaîne dentelée des Lofoten, profilant ses pointes sur le ciel, à la mâchoire d'un requin. Dans quelques-unes des îles les plus escarpées, l'arête est si aiguë qu'il serait impossible d'y marcher ; on ne pourrait s'y tenir (|u'assis, une jambe sur chaque versant. A droite, à gauche, les paysages (lilTèrcnt complètement : d'un côté, le dédale des îles, des détroits, des Ijdids el les montagnes du continent; de l'autre, les écueils extérieurs cl la mer sans limites. Le contraste n'est pas moins remarquable entre les pentes tournées vers le midi et celles qui s'inclinent vers le nord : sur un des versants s'étendent de belles prairies d'un veil d'émeraude, toutes émaillées de fleurs ; sur l'autre, d'âpres rochers couverts de mousses et portant çà et quelques touffes de bruyères'. Les parages des Lofoten, parsemés de milliers de barques pendant la saison de la pèche, sont fort redoutables à cause de leurs brouillards, de leurs vents, de leurs violentes marées. On connaît le Mael-strom ou Môskô-strom ([ui se porte de la mer extérieure au-devant de la marée du Vest-fjord, entre les deux îles de Mosken et de Moskenœs. Le tourbillon qui se produit entre les deux masses d'eau est devenu, grâce aux récits des marins, le type légendaire de tous les « gouffres » océaniques ; mais dans les mêmes parages de la Scandinavie du nord les marins ont à éviter d'autres remous qui ne sont pas moins dangereux. L'écart de la maré(> dépasse 4 mètres sur plusieurs ])oinls du

Mohn, Mittheiltingen von Pelermaini. VI, IS78. Schûbelpr, Die Pflanzemvelt Norweyens.

ILKS IHi LITTdlîAI, NOKVKOIKN. 71

lilldnil i'( les barrières (le roclici's (|in s'(i|i|i(is('iil an passayi' du llol cansoiil, (les (lilTéiTiiccs (le niveau eonsidcMahles eiilic ileu\ bassins ra|i|)r(icli('s. Kn |.iiisieui's |.aities de rarehiiiel, (.11 \o\l le llii\ sVlaïuci- en vérilaldos rajiides à Iraveis les déiruils '.

Au sud dos Lolblen. il n'\ a |i(iinl d'iles eonijiaïahles en (■lendne à Uiudô, Senjon, Sorô, Laugo et autres jurandes iles du liLloral de Trouisô', mais on coniplc encore par centaines celles qui sont assez étendues pour oilVir un abri à des familles de pécheurs ou même de laboureurs, el des j)àlis pour leiu's bestiaux. Parmi ces îles du littoral, que doivent con- tourner les marins el (jui leur servent à reeoiuiaîtrc leur position, plu- sieurs se distinguent pai' la bizarrerie de leur forme : on les compare à des tours, à des cliàleaux ; une loclie, mince, élancée, entourée d'oiseaux qui tourbillonnent, est le Slaven ou le « Bàlon du Géant » ; une autre, le Ilestmanden, est un cavalier, enveloppé d'un manteau, qui chevauche éternellement dans le brouillard ou dans la tempête. La plus connue de ces iles bizarres, le Torghalten, situé vers le sud de la province de Nord- land, e--l nu énorme rocher de 240 mètres percé vers la moitié tic sa haut 'ur par une grotte de 270 mètres de long, d'une régularité singulière et parallèle à la côte de la grande terre. De ses deux porches, l'un, celui du sud-ouest, a 66 mètres ; l'autre, cehii du nord-est, 56 mètres de hau- teur. Les voyageurs pénètrent dans cette caverne pour contempler, comme à travers un prodigieux télescope, le spectacle de la mer, avec ses iles, ses éeueiis, ses navires". D'api'ès la légende, cette énorme ouverture aurait été faite par la flèche d'un géant dont on voit encore, à quelques kilomètres de distance, le buste pétrifié \

Toutes les îles de la côte norvégienne ', en y conqnenant celles des bords du Skager Rak, et sans tenir eomple des ('cueils que lave le flot de marée,

' Widerberg, Notes mamiscrites.

* Superficie des plus grandes iles norvéyiei.ncs :

Uindo 22ô8kilonièlrescam's. | Laiign 880 kil(mi(''ivMaiTÙs.

Senjcr. . . . 10(50 » » Seiland ô!ir> 1. »

Sôi-6 971 » « 1 Osl Vagd Ô4I « I.

■' Vibe, Kûslen Nonceyens, Ergiinzumjshcjï zii ilcn MilUicilumien nm l'clcniuiiiii.

* Xavier Marinier, Expédition au Spitzherij ' lies de la Norvège, d'après 0. J. Brocli :

Superlick'. Iles lial.il.-c. l'npulalioi, àla lia cl/; IX'j.

Iles à l'est du cap iNord 220kil. car. 10 1 MU liahllanls.

Iles du cap Nord aux Lofolen . ... 15570 » 110 58000

Dos Lofotcn au fjord de Stavangcr . . 7 820 .■ Si.'. 148000

.\utres iles 490 » 195 50 500

Knseniblc 21900 kil. car. 1100 238000 lialilaiils.

NOUVELLE GEOGRAPHIE UNIVERSELLE.

LAND ET DtTnolT

s'ctendciil suf un espace évalué à près de 22 000 kilomètres carrés, c'est- à-dire environ la quatorzième partie de la surface du pays ; mais grâce à

leurs ports, à leur facilité d'accès, à la douceur rela- tive de leur climat, aux pêcheries qui les entou- rent, elles sont relative- ment beaucoup plus peu- |»lées que la terre ferme, et contiennent environ le liuitièmc des Norvégiens. Les îles du littoral sué- dois sont en proportion beaucoup moins nomlireu- ses que celles de la Nor- vège; en divers endroits, notamment le long des cô- tes de Scauie, la mer est, sur des kilomètres de dis- tance, complètement libre (Filotsiîtd'écueils.Maissur la côte de Kattegat, notam- ment au nord de Gôteborg, tout le long du Bohuslàn, les îles, les îlots, les écueils forment un skjargaard qui ressemble à celui de la Norvège, si ce n'est qu'il n'offre |)oint de monta- gnes et qu'il est dépourvu de toute végétation. Les ro- ches, jaunes et rougeàtres.

B ^ polies jadis par les gla-

ces et maintenant par les

.' i^.j vagues de tempête, pré-

sentent çà et l'aspect de

province de Kalmar, sur les bords de

monstres couchés. Au ii la Baltique, de petites îl l'issue des solfes et des

de h

^s parsèment les flots en multitudes, surtout ver ivières; mais ce sont des roches basses et s'éle

ILES ET FJORDS ,DE LA SCANDINAVIE. 73

vaiil (lu miiioii d'oaiix sans itroloiiileur : elles continuent les plaines sué- doises, tandis que celles de la Norvège forment les escarpements extérieurs des massifs. Dans la mer Baltique, deux grandes îles, sans compter Bornholm, appartiennent aussi à la plaine Scandinave : ce sont les îles d'Oland et de Gotland, qui se développent du nord-est au sud-ouest, pa- rallèlement l'une à l'autre et à l'axe de la Suède elle-même '. Ôland, composée de roches calcaires anciennes, comme la côte voisine, semble n'être en réalité qu'un littoral extérieur, encore plus régulier que le lit- toral intérieur; longue de 150 kilomètres environ, cette île est formée dans toute sa partie méridionale par une terrasse de pâtis infertiles ne dépassant pas 42 mètres au point culminant et bordée sur tout son pour- tour de villages, de hameaux, de moulins à vent : cette terrasse est Vahar, et ses berges, dominant la riche campagne du littoral, sont le landborg. Le détroit ou sund de Kalmar, qui sépare l'île de la grande terre, n'a pas même 5 kilomètres et demi au passage le plus étroit, et devant Kalmar le chenal n'a guère que 7 mètres de profondeur, tandis qu'au nord et au sud la sonde trouve une vingtaine de mètres en moyenne. Gotland, beau- coup plus éloignée du continent, ne se rattache à la côte suédoise, du côté du sud-ouest, que par le vaste banc de Hoborg et par une sorte de péninsule sous-marine, limités à droite et à gauche par des profondeurs de plus de 50 mètres. Plus étendue qu'Oland, elle est aussi plus haute, puisqu'une de ses collines s'élève à 60 mètres : elle se continue à l'extrémité septen- trionale par la petite « île des Moutons » ou Fârô, et le plateau sous- marin va former encore plus au nord l'île basse de Gotska Sandôn.

III

L'orographie sous-marine des côtes de la Norvège ressemble au relief extérieur : les roches se dressent au dehors en falaises abruptes, aussi elles s'enfoncent dans la mer en soudains précipices. Ainsi c'est précisément au sud des terrasses de Justedal, chargées de névés, et à la base occidentale des « montagnes des Géants », que se creuse le Sogne- fjord, la sonde ne trouve le fond, près de l'embouchure, entre Vig et Vaerholmen, qu'à 1244 mètres au-dessous de la surface * : l'écart des

' Superficie. Population. Popul. kiloin.

Gotland (avec îles voisines I. . 3139 kil. car. 54 300 liab. en 1873. 17 h.nb.

Oland 1343 » 45 000 » » 34 »

* A. Blytt, Om VegeUdionsforholdene ved Sognefjorden.

74 NOUVELLE GÉOGRAPHIE UNIVERSELLE.

points les plus élevés et les plus bas n'est guère moindre de 4 kilomètres dans cette région de la Scandinavie. Il est des falaises qui montent d'un jet à des centaines de mètres de hauteur en murs verticaux ou même surplombants, et qui servent de base à des cimes neigeuses. Ainsi le Thorsnuten, situé au sud de Bergen, sur les bords du Hardanger-fjord, atteint une altitude de plus de 1600 mètres à moins de 4 kilomètres du rivage, et dans plusieurs endroits du fjord on a jeté la sonde à 550 mètres sans trouver le fond '. Dans mainte baie de la Norvège, on voit les cascades bondir du haut des parois, même de plus de 600 mètres de hauteur % et se précipiter d'un seul élan jusque dans la mer, de sorte que les embar- cations peuvent se glisser entre les rochers et la parabole des cataractes, (juand les nuages cachent les rebords des terrasses d'où s'élancent les eaux, on croirait que celles-ci tombent du haut du ciel". Parfois on peut assister à de singuliers combats entre les tempêtes et les « ruisseaux suspendus ». Des coups de vent soudains dispersent la cascade eu brouil- lards, la soutiennent dans l'espace, ou même la font refluer dans l'air; le front de la montagne se hérisse d'une étrange chevelure d'argent*. Plusieurs des ruisseaux qui tombent du haut des rochers disparaissent dans l'air, changés en vapeurs diaphanes, puis se reforment sur une saillie du précipice pour s'évaporer encore ^ En hiver et au printemps, ce sont des avalanches de neige et de pierres qui tombent des hautes fis- sures dans le fond des vallées.

Au premier abord, les Ijords norvégiens ont une apparence très irré- gulière : on dirait que la côte est découpée comme au hasard et que les îlots, les îles, les péninsules s'enchevêtrent en un inextricable labyrinthe. Pourtant une certaine ordonnance finit par se révéler dans ce dédale. Comparés aux firths de l'Ecosse, les Ijords Scandinaves sont beaucoup plus réguliers de formes : c'est qu'ils appartiennent à une nature les traits sont plus simples; le Kjôlen, le Dovre, le Justedal n'ont rien du désordre pittoresque des Grampians. Il est peu de fjords qui. s'ouvrent lar- gement sur la mer par d'amples golfes : presque tous ne communiquent avec l'Océan que par une étroite tranchée ouverte entre deux hauts pro- montoires. Les deux rives opposées, berges, collines ou falaises, sont sen- siblement parallèles et se prolongent en sinuosités régulières. Plusieurs

' Sexe, Mœrker efler en lislid i omegnen af Hardangerfjorden.

- A. Bljit, Om YegetationsforhoUlene ved Sognefjorden.

•* Ampère, Esquisses du Nord.

* Sexe, ouvrage cité.

•■■ E. Colteau, Annuaire du Club alpin français. I, IS'l.

iii!!iiiiiîi!ii'4iiiiiiiiii.Uirf;'

K.IORDS KT CLUSES IIKS MASSIFS SCANDINAVES. 77

Ijonls se l)iriii(|iieii( avant d'altciiKlre la mer, onilirassaiil une île aux parois verticales, dont toutes les saillies correspondent aux coni'bes ren- trantes du continent. D'autres, notamment les deux polies intérieurs les plus connus, le Sogne-fjord et \o. llardaniici-ljord, se ramifienl à dioileel, à gauche; mais la ])lnparl de ces branches hil(i|-ales s'unissent à l'avenue maîtresse en formant avec cHe un anj;le droit, et c'est également à angle

ANGULAIRES DE I..\ NOUVÈGK

ÉPARÉS TAn DES CLUSES

ûe 500 Mètres

de 50O M.au-c/e/é

droit que, de chaque côté, d'autres cluses plus étroites viennent les rejoin- dre. Dans l'ensemble de sa ramure, comparable par la forme à celle d'un chêne, chaque fjord est formé de canaux perpendiculaires, ou du moins brusquement rattachés les uns aux autres, dont l'orientation générale est précisément celle des coupures profondes qui séparent les massifs norvé- giens. L'architecture générale de la contrée se retrouve dans les creux des fjords aussi bien que dans le relief des montagnes : le canal continue la

78 NOUVELLE GEOGRAPHIE UNIVERSELLE.

vallée et ne forme avec elle qu'une seule et même lézarile; (raiilics fentes du sol, en partie remplies d'eau, en partie émergées, croisent les pre- mières, et la contrée se trouve ainsi divisée et subdivisée en d'innom- brables fragments, quadrangulaires ou du moins régulièrement taillés, de grandeur inégale, les uns en terre ferme, les autres partiellement ou com- plètement entourés d'eau, plateaux, péninsules, massifs insulaires. La manière dont s'est fracturé tout le faîte Scandinave rappelle le fendille- ment des terres humides qui se dessèchent au soleil. Le géologue Kjerulf ' a tenté de refaire la carte de la Norvège en indiquant toutes les fissures primitives qui sont devenues des fjords; on pourrait croire, il est vrai, que ces fentes sont de simples cavités d'érosion, auxquelles viennent s'unir latéralement d'autres sillons creusés à angle droit, dans le sens de la penle la plus considérable; mais comment expliquer dans ce cas qu'elles s'ou- vrent généralement dans les roches les plus dures et non dans celles qui présentent la moindre résistance? Comment voir un simple phénomène d'érosion dans ces fentes qui se poursuivent régulièrement h travers fjords et montagnes, sur des centaines de kilomètres de distance? Du Moldc-fjord au Lindesnœs, une série de fentes parallèles se continue du nord au sud : une autre série de fissures va rejoindre au sud-est le fjord de Christiania; enfin d'autres « traits d'incision », ainsi que les nomme M. Kjcrnlf, se montrent parallèlement à la côte, entre Moldc et Trondjhem, entre Arendal et Christiania.

11 est impossible de calculer le développement réel de la c(3te norvé- gienne en suivant toutes les indentations des fjords primaires et secon- daires, car il faudrait tenir compte également de tous les détroits qui séparent les péninsules, les îles et les îlots : la longueur seule des chenaux de navigation j)eut être évaluée au décuple de la ligne extérieure des rivages, soit à près de 20 000 kilomètres. On peut dire qu'il existe ainsi sur toute la côte de Norvège une sorte de méditerranée, sinon pour l'étendue dés eaux, du moins pour les routes maritimes, et c'est en effet en dedans du cordon des îlots extérieurs que se fait presque tout le mouvement du cabotage norvégien, dont l'importance est si considérable ; il n'est qu'un petit nombre de parages les embarcations soient obligées de se hasarder en pleine mer pour contourner un promontoire, comme par exemple le cap Stadt, situé à l'angle de la péninsule norvégienne, entre la mer du Nord proprement dite et l'Atlantique boréal. Quant aux petits bateaux, les rameurs peuvent les porter de fjord à fjord par les dépressions qui les

' Om skunngsimierker, gladalforindtionen oij lerrasser.

Géogi-aphif Universelle T.V PI.»

LE SOGNE-FJORD ET LES GLACIERS DE JUSTEDAL

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(loniiiiLVs par des liantenr. Les Nor-

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uietn véjiiens désignent ces nom à'ejder '.

Quolques-nns des Ijords sont si bien protégés contre les tempêtes et les vagues du large par les îles et les rochers qui en gardent l'entrée, que l'eau douce, apportée par la fonte des neiges ou tombée directe- ment en pluie, se maintient à la surface sur plus d'un mètre d'épaisseur : elle nage sur l'eau saline et pesante du fond. Elle est si pure que les marins peuvent y pui- ser [)our renouveler leur provision d'eau, et que les algues du bord baignées par elle périssent peu à peu ; çà et là, elles sont même remplacées par des plantes d'eau douce à croissance hâtive \ En hiver, quand le continent ne verse plus d'eau douce dans le fjord, l'équilibre de salure» se rétablit' par l'écoulement de l'eau plus légère qui s'enfuit vers l'Océan. Les seuls fjords qui gardent alors à leur surface une couche liquide non saline sont ceux qui reçoivent une ou plusieurs rivières abon- dantes : ce sont en même temps des golfes marins et des fleuves. Ainsi le fjord de Drammen, qui reçoit, à la ville même de | | | |

ce nom, le puissant cours d'eau appelé '^•o.wom ^^ ^.wo,...,.

Dramms-elv, le deuxième de la Norvège 1 ^^ > \ ;

en importance, ressemble d'abord par sa

largeur régulière, de 2 à 3 kilomètres, et par sa profondeur moyenne de plus de 100 mètres, à toutes les autres cavités du même genre; mais, ré- tréci soudain à quelques centaines de mètres, au défilé de Sverdviken, il se transforme tout à coup en un fleuve de 5 mètres de profondeur seule- ment, dont le courant, d'après Kjernlf, se porte constamment vers la mer

' Uaitung, Thaï- und Seebildumjen, Zi^itscluift fur Erdkundc, 1878, ii» 70. ' A. Blylt, Oin Veijetationsfoiholtlcne ved Sogiiefjordeii. '" Cari Vogt, Nord-Fahrl.

80 NOUVELLE GtOGRAPHIE UNIVERSELLE.

en temps de crue, avec une vitesse de 15 kilomètres à l'heui'e pendant le reflux et de 7 à 9 kilomètres pendant le flux.

Plusieurs fjords, interrompus par des barrières rocheuses, ont été com- plètement divisés en parties distinctes : du côté d'amont, le golfi;, ali- menté par les neiges et les ruisseaux, est devenu un lac d'eau douce; du côté d'aval, il a gardé son eau saline. Un simple émissaire, bruissant au milieu des pierres, maintient la communication entre le réservoir supé- rieur et celui d'en bas. Mais, outre ces barrages qui ont diminué la lon- gueur des golfes et qui ont ainsi accru le domaine de la terre ferme, il en est beaucoup d'autres qui ne s'élèvent pas jusqu'à la surface marine ou du moins ne forment que des chaînes d'écueils : ainsi dans le Sogne-fjord des moraines déposées jadis sur le fond, inférieur de plus de mille mètres au niveau actuel des mers, s'élèvent jusqu'à 182 et à 54 mètres de la sur- face'. La plupart des fjords se trouvent partiellement obstrués à leur em- bouchure par ces amas sous-marins, auxquels les habitants de la Norvège septentrionale donnent le nom de havbroen ou « ponts de mer^ ». Les deux côtés du fjord de Christiania sont bordés de dépôts caillouteux d'une régularité singulière, qui sont d'anciennes moraines portées en dehors du continent".

Quelle est l'origine des barrd^es qui se succèdent de distance en dis- tance de la bouche des fjords à leur extrémité supérieure? Les observa- tions des géologues permettent de répondre avec assurance. Quelques-unes de ces barrières de rochers sont des seuils entre deux vallées, sembla- bles à ceux du pays émergé * ; d'autres sont formées par des talus d'éro- sion; mais plusieurs sont des moraines, en tout semblables à celles que les glaciers d'autrefois ont laissées dans les vallées émergées, à la base des montagnes. Et les ijords eux-mêmes no racontent-ils pas le séjour des anciens courants de glace? De même que les firths d'Ecosse, les Qords Scandinaves existaient avant l'époque glaciaire, et c'est précisément grâce aux énormes masses d'eau cristallisée qui les emplissaient-qu'ils ont pu se maintenir dans leur forme première : le seul changement qu'ils aient subi sous la pression des glaces est d'avoir été creusés plus profondément et d'avoir eu leurs parois et leur lit usés et polis par les glaciers mouvants. Tandis que, sous les climats plus chauds ou moins humides, les golfes étaient comblés peu à peu par les alluvions des torrents, par les sables

' Emuml llulland, On Ihe fjords, lakes and cirques of Norway and Greenland. - Hoibje, Observations sur les phénomènes d'érosion en Norvège. ^ Th. Kjerulf, Om skurinysmacrkcr , glacialformalionen og terrasser. * Th. Kjerulf, Die Eisxeit, tiaduclion allemande de Hartung.

FJORDS ET GLACIERS. 81

tlos iiu'is, laiulis ({uc ceitaincs régions de l'Océa» lui-même, comme par exemple la mer du Nord, élaienl presque eu entier emplies par les débris, juMlu'à (JO on IDO nièlres de la surface, les cavités des fjords avaient toujours la nièrne prolondenr; dès que les glaces se retirèrent, en lais- sant pourtant (,à et des moraines frontales, les eaux firent irruption dans ces ahiuies. dont plusieurs sont plus profonds que les mei's avoi-

Mais depuis que l'épcMpie glaciaiie, qui n'a pas encore cessé pour le Groenland, est terminée pour la Scandinavie, un nombre inconnu de siècles s'est écoulé. Les glaciers ont reculé peu à peu dans l'intérieur des Ijords, puis leur extrémité inférieure, que ne lavaient plus les flots, a remonté de plus eu plus loin dans les dépressions ouvertes sur le flanc di's monts. C'est alors que commeu(;a pour les eaux courantes et pour la mer l'immense travail géologique du comblement des baies. Les eaux fluviales apportent leurs alluvions et les déposent en plages unies au pied des montagnes, tandis que la mer étale en nappes de saLle ou de vase tous les débris de rochers qu'elle sape de ses vagues. Déjà dans un grand nombre de fjords cette œuvre de transformation du domaine des eaux en terre ferme a fait des progrès très sensibles, et si l'on connaissait le taux séculaire du dépôt des alluvions, on pourrait calculer approximativement l'époque à laquelle les glaces ont abandonné les cavités du fjord. Sur toute la convexité des côtes méridionales de la Norvège qui se développe entre le fjord de Porsgrund et la grande baie de Stavanger, presque toutes les anciennes indentations du littoral ont disparu : il n'en reste que des criques, de petits ports, des lacs, des étangs, des prairies humides. Dans cette région exposée au soleil du midi et bien abritée des vents du nord par la masse du plateau, les glaciers ont cessé d'exister depuis beaucoup plus longtemps que sur les côtes occidentales, tournées vers les vents pluvieux de l'Atlantique, et cette période a suffi pour changer en terre fei-nie presque toutes les anciennes découpures de la côte que l'étude du terrain nous révèle avoir existé. De ces ijords oblitérés du sud de la Norvège aux ijords encore entiers des côtes septentrionales, les glaces continuent de descendre jusque dans le voisinage de la mer, on peut observer tous les degrés possibles de transition. La Norvège, l'un des pays les plus curieux lin monde par la formation de ses plateaux et de ses rivages, aussi bien que par les phénomènes de toute espèce qui s'y produisent, semble être la con- trée où pourra se résoudre définitivement le problème relatif à la durée de l'époque géologique actuelle. chaque courant de glace encore existant, chaque ancien lit de glacier raconte en détail l'histoire des alternatives du » 11

82 NOUVELLE GEOGUAPlllE LMVEHSELLE.

climat |i('ii(liiiil la pi'riudc ()iii succéda aux âges glaciaires ; cliaque Ijoid est comme uu appareil météorologique et géologique indiquaut par les écueils de ses moraines, les stries de ses parois, les alluvions de ses ruisseaux, tous les changements qui se sont accomj)lis dans le milieu local. Est-ce

qu'une patiente comparaison de ces phénomènes ne permettra pas de lixer la durée de la période moderne et de donner à ce cycle, comme aux années et aux siècles, un sens précis qui permette de le classer dans

•lirnnolouic

In essai de ce genre a été déjà fait par

FJORDS i;t C.l.VCIKRS DE L\ SC ANDINAVIK. 83

Tlicddiir Kiciiill', (liiiis un (Hivi-ngc sur les slrics, les foi'malions j^l;uM;iiivs cl k's IciTitssfs (le la .Noi\rui' '•

IV

Sur le vcrsiuil oriontnl du faîlc scaiidiiiavc los lacs corrosponiloiil aux Ijords : un al)aissoment du sol les Iranslornierail eu golfes d'eau salée, de uièiue i|u'un exhaussement changcrail eu laes les fjords de la côte uorvégieuue. il esl même un très grand nombre de vallées qui traversent de part eu part le Kjôlen ou les massifs du sud de la Norvège, et qui sont occupées de dislance en distance par des marais et de petits lacs qui sem- lileul èlre les restes d'un ancien détroit ouvert entre les fjords des deux versants. Eu exenij)le de ces longs fossés marécageux qui réunissent les deux déclivités opposées, on cite d'ordinaire le col qui s'ouvre au sud du massif de Snelia?lten et du Dovrefjeld. Le lac appelé Lesjeskogen-vand occupe précisément, à 625 mètres d'altitude, le point culminant du passage et grandit ou diminue en superficie suivant l'abondance des pluies et des neiges fondues : de chacune des extrémités de ce lac gracieux, parsemé d'ilols. jnillil une rivière : au nord-nuesl, la Rauma, qui va rejoindre le Molde-ljord ; au sud-est, le Lougen, qui s'i'coiile dans le grand Mjôsen et de dans le Ijoid de Christiania. Eu se relirant, les glaciers ont laissé dans ces lacs, aussi bien que dans les fjords, des moraines qui les ont çà et brusquement coupés en bassins séparés ou qui se révèlent seulement par des bas-fonds ou des isthmes rompus que l'action des eaux a graduelle- ment égalisés à la surface ; soulevées plus tard, ces moraines ont l'aspect de terrasses comme si elles étaient formées d'alluvions ordinaires. Les apports des torrents s'avancent dans les eaux lacustres en plaines gran- dissantes, et de même que les terres nouvelles des fjords, ils permettront aux observateurs de calculer un jour la durée des âges écoulés depuis la fin de la période glaciaire en Scandinavie. Plusieurs des lacs ont gardé leur caractère de fjords et leur profondeur encore toute maritime. M. Hel- land a mesuré et sondé "plus de cinquante de ces restes de Qords, et dans l'un d'eux, le Hveningdals-vand, du district de Romsdal, la profondeur atteint 486 mètres, soit 452 mètres au-dessous du niveau de la mer^

Mais ce ne sont pas seulement les bassins des lacs et des fjords qui

Om skuriiujsmaerkcr, ylacialformalionen ng leirasser, 1871. On Uie fjords, Iakes and cirques in Norwaij and Greenlnnd.

84 NOUVELLE GÉOGRAPHIE UNIVERSELLE.

témoignent do l'ancienne action des glaces descendues des monts norvé- giens. Partout dans la contrée le sol a gardé des traces de leur passage, et même en dehors des limites de la péninsule se voient en foule les preuves de l'action des glaciers Scandinaves. Même la Suède et la Norvège ne sont qu'une faible partie de l'espace se sont dispersées glaces et pierres du Kjôlen et du Dovre. La Finlande, un tiers de la Russie d'Europe, toute l'Allemagne du Nord, le Danemark, la Néerlande, la plus grande partie de l'Ecosse, les Fârôer, l'Islande même sont comprises dans l'im- mense région de 3 ou 4 millions de kilomètres carrés dont les terres superficielles sont dues pour une grande part aux débris apportes de la Scandinavie. A l'exception de la fosse très profonde du Skager Rak, qui semble avoir été un fjord', les mers riveraines de la Scandinavie, dont la profondeur moyenne est si faible en comparaison de celle que présente l'Océan % sont les lits de tous ces anciens glaciers, et même en quelques endroits on a pu en reconnaître des traces directes au-dessous des rives actuelles. Les stries laissées par les glaces en mouvement se poursuivent sous le flot : à Carlskrona, M. Axel Erdmann les a nettement reconnues jusqu'à la profondeur de 7 mètres : plus bas, elles ont été oblitérées par les eaux ou recouvertes par les sables.

Déjà, depuis un demi-siècle, Esmark expliquait la dispersion des erra- tiques par la marche des glaciers Scandinaves. En France, M. Charles Martins est le géologue qui le premier exposa la théorie de l'ancienne extension des glaces sur tout le nord Scandinave; dès 1840, il soutenait cette opinion, combattue alors par des hommes tels que Berzelius et Murchison, mais acceptée désormais par tous les savants. Les traces de l'action glaciaire, stries, polis, moraines, blocs erratiques, sont trop visibles pour qu'il soit possible de les contester : il n'est pas de carte géologique de la Scandinavie la forme des collines ne témoigne du pas- sage des glaciers ; il n'est guère de site l'on ne reconnaisse, comme dans la plaine suisse ou sur les rives méridionales des lacs lombards, ces « paysages morainiques » si remarquables par leurs buttes, leurs levées (le pierre recouvertes de verdure, leurs petits lacs et leurs marais épars dans la campagne. De même que dans toutes les régions recouvertes jadis par les glaces, on voit en Scandinavie des amas de boues glaciaires et des blocs erratiques en si grand nombre, qu'en maints endroits ils donnent

' Molin, Millheilungen von Pclermann, XI, IS70.

' Profondeur moyenne de la Baltique, d'après Olto Krunimel ... C7 mètres,

la mer du Nord » » .... 89 »

rOci'an » » .... 5-452 ■■

AiNClKNS r.LACll'RS I)K L.\ SC A M DIN' AVIK.

I'<>s<'ill;ili(.ii <lo Iciii

■(•iHiniii's (liiMciisioiis, |i:ir iiiic Idiiiit' lii/.nnc (iii |ia ^s(' r('|i()s;iiil sur niic Iimsc ('Iroilc. Mi'mc de loin, 1 cùlcs (le l;i >'(iivi\m' iiKTididiiiilc (lislinnuc pai'l';)

JIONTAGN'ES HE HAI.I EliOllG ET IIE ilUSNEDOllG.

Koi'èls remplies tle blocs err.iliques.

leniL'iil, i'i la ioniii' anoiidic des proiiioiiloircs, à l'aspccl « iiKiiiloniK' » des roches, ù la physionomie générale de toute la contrée, que les glaces ont poli la pierre en glissant sur elle pendant des siècles. Dans l'intérieur de la Suède, des collines ont été comme rasées à une certaine hauteur : après en avoir gravi les pentes, on se trouve sur un plateau presque uni, dnni la puissante masse lilacée a fait disparailre les roches saillantes.

NOUVELLE GÉOGRAPHIE UNIVERSELLE.

Ainsi usé par les glaciers, le jtays a pris sur do vastes élentlues un aspecl fies plus monotones. Même les tables de laves qui se sont épanchées sur les formations anciennes dans le voisinage des grands lacs ont quelque peu changé d'aspect depuis que les glaces en ont usé les saillies. On peut

ET SES MES.

citer en exemple les deux masses polygonales de Ilalleborg ou Ilalleberg et de Hunneborg ou Hunncberg, séparées l'une de l'autre par une étroite cluse, passe le chemin de fer de Wenersborg à Jonkôping. A peine a-t-on gravi les escarpements de l'une ou l'autre montagne, que l'on se trouve sur un plateau faiblement accidenté, parsemé de blocs erratiques, entre lesquels s'élendent des marais et des lacs.

ANCIENS (IL.VClEliS DE 1,\ SC.VNniNAVlE. SU

Los oniièifs (livci-ficnlcs (racées |),ir les glaces atiloiir des inassils soiil laciles à iccoimailre, iiièiiie en |)liisieurs eiidroils, à la vue d'une simple carie, sans (|ue rditsenaleui' ail à paccourir le terrain. Par l'cnscmblo de ses liails. la rejin'senlalioii de tel bassin fluvial raconte encore les plié- udMièiies divers de la marche des glaciers : on voit leur lit, leurs berges, la iiiaiclie (|irils ont suivie, les résistances qu'ils ont rencontrées. Des îles, des ar(lii|i(ds, liniilés nettement par les eaux qui les entourent, gardent encore les marques les plus visibles des burins qui les ont sculptés. Néan- moins, l'aspect de la contrée trompe quelquefois, et c'est à tort que l'on attribue à l'action des glaciers certains plissements parallèles de rocbcs qui ont été ployées par l'effet de pressions latérales. Ainsi le groupe d'îles situé lians le Ijord de Christiania, immédiatement à l'ouest de la capitale, se compose de terres toutes orientées dans le sens du nord-est au sud-ouest, loutes entaillées de criques et séparées de détroits ajant la même direc- lion; les arêtes de ces îles, les chenaux des passages, les bancs de sable même affectent une disposition parallèle. Or les stries brisées par les anciens glaciers sont dirigées précisément à angle droit de tous ces plis- sements parallèles' (voir page 86).

S'il est facile désormais d'expliquer^ les stries des roches Scandinaves, il est plus difficile de se rendre compte de la formation des asar, levées de hauteurs diverses, de 6 à 60 mètres, qui se prolongent presque sans interruption à des distances considérables, môme sur plus d'un degré de laliliide. La direction moyenne de ces remparts sur le territoire suédois est celle du nord au sud et au sud-est, avec des ondulations serpentines à droite et à gauche, comme celles d'un fleuve; mais il existe aussi des iisar latérales, de moindre longueur, qui se ramifient diversement, tandis ({ue les âsar principales se maintiennent égales, et généralement parallèles les unes aux autres. On signala d'abord les levées des iisar comme avant été de prodigieuses moraines ; mais on cherchait vainement le lit des gla- ciers qu'elles auraient bordés dans toute leur longueur, et les pierres qu'on y rencontre ne sont pas inégales et anguleuses comme celles qui tombent sur la glace et qu'elle rejette sur ses berges ou devant ses archei* terminales. Berzelius avait raison de nier la relation direcle de cause el d'effet entre les glaciers et les âsar".

Du moins les âsar sont-ils composés de matériaux (jue les glaces ont transportés jusqu'à une première étape, les ont repris d'autres agents

Tli. Kjeriiir, Cavle ycoh(jique; Albeit lloiiii, Noies manuscrUes. Th. Kjei'ulf, Die Eiszeil, Iracluclinn allemanJc de Ihirhing.

•JÛ NOUVELLE GEOGRAPHIE UNIVERSELLE.

géologi(|iies. Do vastes dépressions ayant été comblées de déljris par les glaces mouvantes, les eaux ont aussitôt commencé leur œuvre et creusé dans ces amas d'énormes sillons, les pierres de l'amont n'ont cessé de se déplacer vers l'aval, en s'arrondissant par la friction, en se changeant on gravier et en sable. Ce sont les matières dont se sont formées les âsar. M. Axel Erdmann pensait que les principaux remparts de ce genre étaient dus ;\ l'action des eaux marines, qui, par l'effet dos changements de niveau du sol, auraient repris les pierres des moraines charriées par les torrents'. 11 est vrai que plusieurs âsar, notamment celui que l'on voit immédiate- ment au nord de Stockholm, sont recouverts do coquilles marines, des mômes espèces que celles de la mer Baltique actuelle ; mais ces dépôts coquilliers sont tout à fait superficiels et se sont formés lors d'un abaisse- ment temporaire du sol après l'époque glaciaire. Suivant les matériaux qui les composent en plus grande partie, les hautes lovées des asar sont connues sous les noms de sandâsar ou « faîtes do sable » et de rullstenàsar ou «f faîtes de galets » ; mais toutes offrent dos traces évidentes d'une stra- tification plus ou moins grossière, semblable ù 'celle qui se fait constam- ment sous nos yeux dans l'eau courante; il ost aussi des âsar, paraît-il, qui reposent sur des moraines ; une formation nouvelle s'est ajoutée h la première. On rencontre également dans quelques asar dos entonnoirs (âsgropar), enfoncements circulaires ou elliptiques ayant jusqu'à 300 mè- tres de tour et davantt^ge, et une profondeur variable de 5 à 20 mètres : le fond en est rempli d'argile, déposée jadis par les eaux tourbillonnantes. Dans l'as de Strômsholm, on voit 30 de ces entonnoirs sur une distance d'environ 140 kilomètres-. Ces traces d'anciens remous ne sont-elles pas aussi lo témoignage de l'action des eaux courantes, dont l'effort s'est déplacé par l'effet des obstacles qu'elles ont rencontrés et du changement continuel de leur lit"? En Norvège, les pentes sont beaucoup plus rapides qu'en Suède et ])ar conséfjucnt les cours d'eau avaient un moindre développement, des cirques montagneux à la mer, les âsar, connus dans le pays sous le nom de raer, ne se rencontrent qu'en petit nombre, et ces levées de création fluviale se sont pour la plupart, d'après M. Kje- rulf, confondues avec les moraines. Le mot norvégien ans s'applique h toutes les hauteurs, même aux sommets rocheux.

L'as le plus connu de la Scandinavie et le plus souvent décrit est celte

' cil. Mmliiis, Bull, (le la Soc. Géol, 1845, 18-i6; - IIoIjltI Cliamlicrs, Eilinhurtjh New Pliil. Journal, 18ùj; -\xel ErJniann, Ciulo goulogiquo do h Suède. - A. Erdmann, Exposé des formaliuns quaternaires de la SucJe. ' Tôrnebohin, Noies manuscrites.

AS Alt l)K L.V SUKDlî.

loiigiio chaîne qui, sous divers noms, BninkeluTfjs As, LAngâsen, cl (l';iti- Ires encore, court, sur une lonnueur de ])his de 100 kilomètres, du liltonil

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baltiqiie, au sud de Stockholm, jusqu'aux environs d'Upsala. Des rives de la mer jusqu'au lac Wettern, près d'Âskersund, on ne trouve pas moins de huit asar principales, sans com[)ler les ramifications secondaires qui s'y ratlaclieiil, cl parmi elles il en es! qui (l(''|iasseMl uolahlement en Ion-

92 NOUVELLE GÉOGRAPHIE UNIVERSELLE.

Joueur l'iis de liinnkoberjL-. Des bonis du lac Malaren, près d'Enkôping, on peut suivre un de ces cordons d'anciens galets à 500 et 540 kilomètres dans la direction du nord. Les routes empruntent d'ordinaire les faîtes des âsar ou en longent les talus, afin d'éviter les marais ou les terres détrempées (jui s'étendent à droite et à gauche; pour la traversée des lacs, des âsar surgissant au-dessus des eaux sont des levées naturelles que les voyageurs |)euvent rejoindre facilement par quelques coups de rame. Dans le Malaren, loute la partie occidentale du lac est presque entièrement séparée du grand bassin par \m de ces remparts d'une régularité singulière.

La formation des âsar et le dépôt d'alluvions marines sur des terres actuellement émergées témoignent des mouvements qui ont agité le sol de la Scandinavie depuis l'époque glaciaire. D'abord les terrains s'affaissèrent et le niveau de la mer s'éleva, relativement aux pl.iges, de 150 et de 200 mètres, même en quelques endroits de plus de 500 mètres, ainsi que le prouvent les dépôts d'origine marine avec des restes d'animaux arc- tiques reposant sur des roches striées par les glaces. Puis il se fit un mou- vement en sens inverse et le sol s'exhaussa, ramenant à l'air libre les âsar qu'avaient déposées précédemment les courants d'eau. Pendant ces alternatives de niveau, le relief de la Scandinavie dut changer, les contours des lies et des péninsules émergées ne ressemblant pas toujours à ceux des terres que la mer avait englouties. C'est ainsi qu'une vaste région silu- rienne qui s'étendait, aux premiers temps de l'époque glaciaire, le long du rivage suédois, immédiatement au nord et au nord-ouest de l'archipel d'Aland, n'émergea pas lors de la réapparition des plaines littorales de la Baltique. L'ancienne existence de ce territoire silurien est rappelée par les blocs nombreux de calcaire et de grès que les glaciers ou les glaces flot- tantes ont transportés au loin vers le sud, jusque dans le voisinage de Stockholm; elle est rappelée surtout par le sol très fertile, d'origine cal- caire, qui recouvre toute la partie du littoral entre Gefle, Westerâs et Stockholm. Cette terre féconde provient de l'érosion continuelle par les glaces flottantes des couches de calcaire, d'argile et de schistes qui jadis occupaient la région maritime actuelle, à l'oi-ient de Gefle'.

' A\iO Ei-dninnn, Frijosc 'te foriiintiniis (jiKilcninivex ilo la Kid'ilr.

SOIILÈVEHKNT DE LA SCANDINAVIE. 93

lails d'iiiio Icllc ('vidciicc (|iii' mil u('ol(ii^ii(' ne |miiviiil iiiiT r.iiicicii cxliiuis- scnioiil (li's |il;iiiu's scandiiiMVcs; mais la cioNaiicc aii\ linis(|ii('s i'i''V()liilioiis IciTOSlrt's. aïK cataclysmes, clail liV'iKMalc aiilivrois, et Ions |ieiisaienl que les changements de niveau entre la terre et h's mers «'laient r(eii\re d'un jour et coïncidaient avec une transformai ion de toute l'i^couoniie phuK'- taire. 1/élonnement fut grand quand les premiers observateurs parlèreul d'un déplacement continu des rivages s'accomplissant avec une extivmt^ lenteur, et les savants les plus ('miueiils. allacln's aux idées qu'ils avaient professées et qui avaient fait leur n'puialion, lepoussèrent longtemps comme une hérésie la nouvelle hypothèse qui leur était soumise. Cepen- dant, depuis un temps immémorial, les paysans et les pécheurs des rives du golfe de Botnie avaient reconnu l'accroissement graduel de leurs côtes et l'amoindrissement des eaux; les vieillards montraient les divers points du littoral la mer venait affleurer pendant leur enfance et, dans l'intérieur des terres, les plages tracées jadis par les flots. D'ailleurs les noms de lieux, la position plus ou moins continentale de ports aban- donnés, d'édifices construits autrefois sur le rivage, les débris de ba- teaux trouvés loin de la mei\ eiifiu les monuments écrits et quelques passages des chants populaires ne pouvaient laisser aucun doute sur la retraite des eaux marines. La premiènî Ijuleâ, fondée par Gustave-Adolphe, avait paru se déplacer de plusieurs kilomètres vers l'ouest dans l'espacer d'un sièch^ (M demi : de port, elle ('■lait devenue bourgade champêtre et il fallut reconstruire à l'est une nouvelle ville'. En 1750, Celsius, le premier, se crut autorisé, par la comparaison de tous les témoignages recueillis, à émettre l'hypothèse, non d'un soulèvement du sol de la Scandinavie, mais d'un abaissement graduel de la Baltique, dans la pro- portion d'un peu plus d'un centimètre par an. Il fut accusé d'impiété par les théologiens de Stockholm et, même dans le Parlement, les deux ordres du clergé et des bourgeois condamnèrent son abominable proposi- tion'. Pourtant un point de repère taillé en 1751 par Celsius et Linné à la base d'un rocher de l'île Lôfgrund, non loin de Gcfle, révéla, treize ans plus tard, une différence de niveau évaluée à 18 centimètres. En 1740, un voyageur maintenant oublié, l'autrichien Hcll, affirmait aussi que la sm- face de l'Atlantique boréal s'abaissait près du cap Nord, autour de l'île Maaso\

' Leopold von Buch, Reise durch Norwegcn iind Lapplaml.

* Anton von Elzel, Die Oslsee.

'• 0?car l'cscliet, iVcue Problème ilor veryleirlu'iidrii Enlhumle.

94, NOUVELLE GÉOGRAPHIE UNIVERSELLE.

Actuellement, il serait impossible de repousser dans son entier l'hypo- thèse de Celsius, d'après laquelle l'émersion des côtes de la Scandinavie du nord serait due à l'abaissement du niveau de la Baltique. On sait que la surface de la mer n'est pas d'une parfaite régularité géométrique, ot que les eaux sont plus ou moins hautes dans certains parages, par l'effet d'attractions locales des montagnes ou des couches profondes : ainsi, dans la Baltique même, les mesures trigonométriques exactes ont établi qu'elle est d'un demi-mètre environ plus haute sur les l'ivages de Memel que sur ceux de Kiel et d'Eckernfôrde'. Toutefois, ainsi que l'avait déjà dit Lazzaro Moro, il y a plus d'un siècle, c'est la terre et non point la mer qui est surtout l'élément mobile et changeant : c'est elle qui se soulève et s'abaisse relativement au niveau peu mobile de l'Océan. En 1807, Léopold de Buch le premier renversa l'hypothèse de Celsius et proclama que la masse entière de la Scandinavie s'élève d'un mouvement séculaire au- dessus des mers environnantes. Depuis cette époque, les géologues ont reconnu des phénomènes d'exhaussement sur de nombreux rivages, dans l'ancien et dans le nouveau monde, et jusque parmi les îles de l'Océanie; mais la Scandinavie est toujours celle de toutes les contrées l'on a fait le plus grand nombre d'observations sur les mouvements du sol : elle est le type auquel sont comparées toutes les autres terres soulevées avec lenteur ^

Les débris maritimes qui témoignent de l'apparition réconte des terres Scandinaves se rencontrent en beaucoup d'endroits. Des osse- ments de cétacés ont été découverts çà et dans l'intérieur. En 1860 notamment, on trouva au nord-est de la ville de Warberg, près du lac VVeselangen, à l'altitude d'environ 20 mètres, des restes qui furent re- connus par M. Lilljeborg comme ayant appartenu à une baleine mysti- cetus. Des bancs de coquillages modernes contournent les flancs des collines ou des montagnes à des hauteurs diverses et jusqu'à 178 mètres d'altitude, non loin de Trondhjem^; toutefois, il faut le dire, les coquilles marines que l'on trouve sur ces terrasses, à divers étagesr, n'appartien- nent pas toutes exactement à la même faune. Les lits les plus élevés sont composés d'espèces de la zone arctique, dont les congénères vivent en- core sur les côtes du Spitzberg ; plus bas, les couches consistent en espèces d'une faune moins glaciale, et près du rivage les coquilles sont exactement les mêmes que celles des mers voisines. Ainsi peut se mesurer l'améliora-

' Millheilumjen von Pelermann, 1875, p. 229.

- Lycll, Rise of Laiid in Stcerfen, Pliilosojihical Transacliuns, 1855.

'• Th. KjiMiilf; Mnhn, Nyt Mafiazin for Naturi'idenskahernc. fihrisliania, 1876.

SOULKVEMtlNT DK l,.\ SC.V.MltlN Wllv 'J,'.

tidii ^l'iidiit'lli' (lu climat |H'iiiliml loulc la [n'iJodc (l'i'vliaiissi'iiiciil qui so couliuuo oucoi'o puur la Scandinavie'.

Les Iracos du soulèvcmont riVont. des voU's sont en niainis ondioils par- failoment visibles do la mer : des îles, des promonloii'es porleiil encoiv à des hauteurs diverses les eeiiilures émergées des anoieimes places. L'aueioiiuc berge de Trondlijem est assez nettement marquée pour (|ue de In ville on puisse la suivre du regard sur le flanc de la montagne. Mais c'est principalement sur le littoral du Finmark qne l'on peut reconnaître sans peine les hauts rivages abandonnés, la vue n'étant point arrêtée pai' les arbres et les broussailles. Au-dessus de Vadsô, ville i-iveraine du Varanger-fjord, on voit se succéder sur les lianes du [)laleau d'énormes degrés, semblables aux marches d'un escalier : ce sont des plages délais- sées, dont l'une n'a pas moins de 715 mètres de largeur, et qui sont cou- vertes de cailloux, en tout semblables i\ ceux de la rive actuelle, quoique revêtus de mousse et légèrement rongés par les intempéries. Tromsô, la capitale de la province du nord, est elle-même biUie sur une plage soule- vée, on se trouvent des lits entiers de coquillages des espèces qui habitent maintenant la mer voisine. Au-dessus de cette plage exhaussée, qne le regard suit comme une ligne blanche, sur tout le pourtour des îles et de la terre ferme, on distingue nettement une autre terrasse dont la hauteur, relativement à la première, varie de 4 à 6 mètres et se sont construites la plupart des maisons de pêcheurs : sur cette ancienne grève, les coquillages sont aussi très nombreux. Enfin, à 12 mètres plus haut, on remarque une autre plage d'érosion, mais celle-ci est en partie recou- verte par les éboulis des roches supérieures.

Sur les rives suédoises de la Baltique, le mouvement d'émersion est le plus rapide du côté du nord. Tandis qu'à l'extrémité septentrionale du golfe de Botnie le soulèvement est évalué h l™,60 par siècle, il ne serait plus que d'un mètre par le travers des îles d'Aland, et, vers Kalmar. le niveau relatif de la terre et de la mer ne changerait point. La pointe ter- minale de la Scanie, qui se relève peut-être maintenant*, paraît s'être enfoncée graduellement sous les eaux de la Baltique. Plusieurs rues des villes de Trelleborg, Ystad, Malmfl, ont d(rjà disparu : cette dernière s'est abaissée de \'',bO depuis les observations faites par Linné, et la cèle a perdu en moyenne une zone de 50 mètres de large. Des forêts immergées

' Sveii Lovén, Mémoires de l'Acail. ilcs Sciences de Siicdc, 183'J, 1840; Nilsson. Les Huln- lanis primitifs de ta Scandinavie.

- k%K\En\mann,Geol. Fôrenis i Stockliolm Fwbandl.,\. I, p. 93.— JenUscli, Physisch-œkoiw- misclie Gesellscliaft zu Kônigsherg, 1875. ii° '2.

96 NOUVELLE GEOGRAPHIE UNIVERSELLE.

t'I (les couches de tourbe que l'on trouve à une certaine distance des plages actuelles, et l'on a recueilli des objets en métal, ont fait penser aux géologues que depuis le neuvième siècle la dépression a été de 4 à 5 mètres. Ils ont pu comparer la péninsule, du moins dans toute sa partie orientale, à un plan solide tournant autour d'une charnière, située dans le voisi- nage de Kalmar. Grâce à ce mouvement, le golfe de Botnie s'épanche- rait avec lenteur dans le bassin méridional de la Baltique, et si l'élévation du fond continuait de s'accomplir avec la môme régularité que depuis le milieu du siècle dernier, trois ou quatre mille années suffiraient pour chan- ger en isthme l'archipel des Qvarken, voisin de l'embouchure de l'Umea, et pour faire un lac d'eau douce de toute la partie septentrionale du golfe. Mais sur les côtes de la Norvège le mouvement est loin de présenter la inème régularité et nulle par't il ne paraît être aussi rapide que dans le iNorrland suédois : il semble même que le phénomène d'élévation n'a pas eu lieu en plusieurs endroits du littoral norvégien, même dans le nord. Ainsi l'île de Tiôlô, dont parlent les sagas, est de nos jours une grande île basse, comme aux premiers temps de l'histoire de Norvège ; d'après Keilhau, l'élévation de l'île de Munkholmen, près de Trondhjem, ne peut avoir dépassé 6 mètres pendant les dix derniers siècles, car les vieilles constructions qu'elle porte furent certainement élevées au-dessus de la mer; enfin un écueil de la baie de Trondhjem, sur lequel un nageur pou- vait prendre pied du temps des premiers vikings, se trouverait encore à la même profondeur au-dessous de l'eau. A Christiania, d'après Eugène Robert, l'exhaussement aurait été nul depuis trois cents ans ; mais d'au- tres ont trouvé une poussée de 31 centimètres par siècle pour Moss et les rives du fjord'. Du reste, les anciennes grèves qui se prolongent sur les flancs des montagnes du littoral norvégien ne se maintiendraient pas toutes à la même altitude. Celle de Trondhjem est, d'après Kjerulf, d'une horizontalilé parfaite; mais les mesures dues à M. Bravais ont prouvé que les lignes d'érosion de l'Alten-ljord, près de Bossekop, ne sont point paral- lèles et que les masses rocheuses situées vers le fond des golfes ont été le plus énergiquement soulevées ^ A l'extrémité orientale du fjord, les deux banquettes superposées se trouvent respectivement à 67"', 4 et à 'il''.? au-dessus du niveau de la mer, tandis que ces grèves, s'abaissant progres- sivement vers l'entrée, n'y sont plus qu'aux altitudes de 28"", 6 et de 14'", 1. De même que pendant la période actuelle, les oscillations qui se sont pro-

' T. Kjerulf, StenrUjet ocj Fjeldlâren.

Voyage en ScarulirMvie, à bord de la Recherche.

SdlLKvr.MKM' liK I, \ SC .\M)| N W I K. !I7

,liiilc> (l;iii> la ina>M' .1,' la |iniinsMlc S.MinlIiiaNr |i('ii(lanl la |M'Ti(.lc ,ula- riaiir oui r\c Idi'l iiirualcs. Tandis .|uc sur !,■ pcichanl sr|ilciilii.mal ilii plalcaii du SiiKilaiid cl de la Wsli'i.-i.llii,. les ai-ilcs d,' toriiialiui. so.is- iiiaiiiic M' iiKiiiliviil <Mi |ilan('s à ^200 ou ->r>l» nirliv- au-dessus du niveau de la mec aciueile, (dles ne se Irouvent (|u'à hS nièlres eii\ii'un dans le llalland méridional .•! sur les IVonlinvs méridimiales .lu Smaland ; en Scanie enlin, on les \(iil à des liauleurs variables de 15 à ,"(1 mèlivs'.

Les ]it''riodes de soiilèvemenl nul èlre inleiTOmpues souvent par des à,L;es de repos plus ou moins louf^s, car s,i la plupart des terrasses sont des moraines éf>alisées par les flots et d'aneiens (hdias d'alluvions apportées par les rivières de l'inléi-ieur ', il en esl aussi (pie les Ilots ont creusées dans [■('paisseur du rociier. Or de pareilles ('(diancrures ne peuvent avoir été taillées dans la pierre dure que par un travail prolongé pendant un nombre considérable de siècles : des roches émergeant avec lenteur n'auraient pu èlre (pie faiblement usées à la surlace"'. Comment expliquer aussi, autre- ment que par un long temps d'arivt dans le soulèvement du littoral, les « marmites de géants » ou jdlt 'ijrytcr, ipie les pierres tournoyant sous l'action du flot marin ont pu creuser à une si grande profondeur dans cei-- tains bancs de granit on de schiste? A l'ouest de Lindcsnœs, piès de l'em- bouchure du Sire-elv, une de ces banquettes, nivelée par le iuniit d(>s va- gues, se continue dans l'intérieur de la roche compacte par une série de marmites ovales d'une régularité parfaite, forées horizontalement dans la paioi, et l'une d'elles jusqu'à K mètres. La roche n'a-t-elle pas long- lem[)s garder son niveau pour que les eaux aient pu terminer ce travail géologique ! Toutefois il importe de savoir si elle ne présente pas en cet en- droit des points faibles le flot a pu facilement pénétrer. D'après Lyell', qui ne peut du reste s'appuyer que sur des conjectures, le soulèvement lU; la côte norvégienne représenterait une période d'au moins 24 000 ans. M. Kjerulf croit que le mouvement d'élévation a été beaucoup plus rapide \ Les nombreuses cascades du littoral et la grande profondeur des fjords lendent celte hypothèse plausible. Depuis la fin de l'époque glaciaire, les torrents n'ont pas encore eu le temps d'égaliser leurs lits et de combler les gouffres profonds des golfes dans lesquels ils se jettent.

L'opinion la plus commune parmi les géologues Scandinaves est que

Axel Knlm.-iiiii, Erposc des formulions (jualcrnaiirs de la Sw'de. Sexe, On the rise of land in Scandinavia .

H. Mohn, atrandlinier i Nonje; Nyt Magaziii fnr N:iliir\iilLMi8lialjeriic. ClirisliiiiiLi, 1 Aniiquiiij of Man. Om Tenassenie i jYorf/e oj/ dcres BdiidniiKj for TidsmjniiKicn lHha<jc til hlidcii.

98 NOUVELLE GEOGRAPHIE UNIVERSELLE.

la pression ilcs forces iiilérioures n'agit pas d'une manière générale iln sud au nord de la péninsule, mais qu'elle se produit par ondulations, en laissant entre les diverses régions d'exhaussement des espaces inter- médiaires immobiles ou du moins très lentement soulevés'. Mais cette théorie ne peut être définitivement mise hors de doute que par l'observation rigoureuse et la comparaison des points de repère fixés en diverses parties du littoral maritime et sur le bord des lacs de l'intérieur. Depuis 1852, on étudie jour par jour le niveau moyen de la mer et de la plaine Scandi- nave sur treize points de la côte et sur les bords du Mâlaren, du Hjel- maren, du Wettern et du Wenern. Grâce à ces mesures précises, qui jus- qu'à maintenant ont paru constater l'inégalité de la poussée, l'on pourra tôt ou tard se rendre compte des ondulations du sol et savoir dans quelle mesure les montagnes de la Scandinavie participent aux mouvements du socle maritime qui les porte.

Quelle est la cause des exhaussements du sol, reconnus pour la première fois en Scandinavie? Faut-il y voir un phénomène local, sans rapport direct avec les autres frémissements du sol européen, ou bien un fait dépendant de la grande vie planétaire? Plusieurs causes agissent-elles ensemble, tantôt se neutralisant, tantôt s'ajoutant l'une à l'autre? Le temps n'est pas venu de répondre avec certitude. Oscar Peschel ^ se demandait si les oscillations de la Scandinavie ne proviennent pas des changements de volume que su- bissent incessamment les silicates des roches. En se cristallisant, les sili- cates occupent un moindre espace ; ils se contractent et toute la masse surincombante s'abaisse ; mais sous l'influence de l'acide carbonique, dé- gagé par les innombrables organismes de la mer, les roches se gonflent de nouveau', et le continent est soulevé. C'est ainsi, grâce aux infiniment petits de l'Océan, que les tci'res monteraient peu à peu au-dessus des eaux.

VI

L'inégalité des oscillations qui se produisent sous le sol de la Scandi- navie est probablement l'une des grandes causes de l'état d'inachèvement dans lequel se trouvent encore les versants maiilimes de la contrée. Le principal travail géologique des eaux courantes est de régulariser les pentes

' Axel Erdmann, Obsenalions sur les vai-iulioiis du ninau de la rner, Méiii. de l'Acad. des Sciences de Suède, 1856.

' Neue Problème der vergleichenden Erdkunde.

' Bischdfl', Lehrbuch der chemisclicn und physiliulisclicn Geolocjie.

i,.\(;s i)i-; LA ,s(;.\M)[NAViK. 99

(Ml leur (loiiiiMiil une cdiirlK' |i;ti;ili(ili(|ii(' de l;i source à renilHiucInire. Les iliilV'reiiees des (erraius, les oseilhilions du s(d, les niilli,' pliéuomènos eiilromèlos de la vio planélaire n'oul pas peruiis à un seul fleuve de la Terre l'accomplissement défniilif de son œuvre; mais nulle part l'irrégu- larité des lits fluviaux n'est plus grande qu'en Scandinavie : ces lits ne lormenl qu'une succession de gradins, et non une courbe régulière, indi- (piant l'œuvre prolongée de l'eau conranle. l/inégale poussée du sol émergé explique, au moins en partie, la formation de tant de bassins lacustres '. Déjà, nous l'avons vu, les étangs et les lacs sont nombreux sur les pla- leaux norvégiens et dans les hautes vallées qui servent de cols entre les deux versants. Du côté de l'Atlantique boréal, les escarpements ont trop peu de largeur pour retenir beaucoiqi de lacs dans leurs vasques de granit, el ceux qui s'étendent à la base ne sont que des fragments découpés des i'jords ; mais sur le versant suédois et sur les pentes norvégiennes tournées vers le Katlegat et le Skager Rak, les bassins emplis d'eau parsèment le sol en multitudes. La Finlande méridionale est la seule contrée d'Europe ils soient plus nombreux en proportion. C'est au treizième de la super- licie totale de la péninsule que l'on évalue la surface couverte de lacs dans la Scandinavie'; mais dans certaines régions de la Suède, no- tamment dans le Sôdermanuland, entre Stockholm et Norrkôping, les lacs et les étangs occupent une si grande partie de ce territoire qu'on s'habitue à les rencontrer dans toutes les directions : « on n'y fait pas plus alleniion qu'aux arbres dans la forèl. » « Lorsque Dieu sépara la terre de l'eau, dit un proverbe, il oublia le Sôdermaïuiland. » De même, presque toute la Suède méridionale est restée à l'état de chaos : la sur- face lacustre y occupe plus de la huitième partie du sol. La plupart des lacs n'ont point de maisons sur leurs bords ; des forêts silencieuses de sa- pins, de bouleaux et de chênes, d'où s'élève rarement un chant d'oiseau, réfléchissent leur branchage dans l'eau verdàtre ou rougie par le tannin des bruyères ; des champs de roseaux occupent les bancs du littoral, tandis qu'ailleurs des blocs tombés des rochers voisins montrent leurs têtes au- dessus de la surface; aucune voile n'anime l'étendue solitaire des eaux : une barque attachée au rivage, une cabane dans une clairière voisine, c'est tout ce qui rappelle le séjour de l'homme.

' llailuii;.', Beitrag :»)• Kennlniss von Thaï- uml Scebildunijcn, Zcitsclirill dor G(.'!iellschaft fui' Erdkuiide, n" 4 et 5, 1878.

- Lacs de la Suède i2570 kil. canes, soit i/10 du lenitoiie.

Non-è'-o 13 250 » » 1/20 »

Lacs de la presqu'île Seaudiiiave ... .")7 800 lui. taiiés, suit 1/15 du leniloire.

100 NOUVKILK GEnGIiAPlIlE liNlVERSKLLF,.

11 osl lorliiiii que r(''leii(lii(' des eaux stagiianlos a coiisidérablemcnl (limiiuié depuis l'époque historique, en partie par le travail des rivières qui ont abaissé des seuils de rochers et déblayé des moraines et des âsar, (^n partie par le labeur de l'homme qui a creusé çà et des fossés de dessèchement. Les débris d'enceintes fortifiées que l'on rencontre si nom- breux au sommet des collines et des promontoires sont maintenant entourés de tourbières, de marais et de prairies marécageuses : un examen attentif de ces terres basses en voie de comblement montre qu'elles étaient jadis des lacs ou des golfes navigables et l'on y a même trouvé des restes d'embarcations. Les enceintes fortifiées étaient donc, au moins partielle- ment, défendues par les eaux'. Dans une contrée si riche en lacs, en étangs, il était tout naturel de s'établir dans une île ou dans une pénin- sule pour se mettre à l'abri des incursions soudaines : c'est ainsi, par des postes insulaires, que presque toutes les villes suédoises ont com- mencé.

Les plus grands lacs de la Suède sont eux-mêmes un exemjtle de l'assè- chement graduel qui se Ml en Scandinavie. Jadis unis, ils formaient un détroit entre la mer du Nord et la Baltique : d'anciennes plages couvertes de fossiles en sont la |ireuve. On a lrouv('' des huîtres sur la rive méri- dionale du lac Mâlaren et en beaucoup d'autres endroits de la Scandinavie orientale, indice certain que des mers ayant au moins 17 parties de sel sur 1000 parties d'eau lavaient autrefois les rivages de la contrée\ Une des îles du lac, Bjôrkô, était naguère parsemée d'ossements d'oiseaux de mer, atissi bien conservés que si l'île, encore environnée d'eaux marines, ve- nait d'être abandonnée par les mouettes couveuses". Bien plus, dans les profondeurs des lacs vivent de petits animaux d'origine océanique dont l'organisme s'est adapté peu à peu à l'eau douce qui remplaça par degrés l'eau salée dans les cavités lacustres*. Même le lac norvégien Mjosen, qui se trouve pourtant bien éloigné du détroit marin dont le Wettern et le Wenern faisaient partie, renferme dans ses abîmes une espèce animale, mysis reJicta, qui témoigne d'une ancienne communication avec les mers voisines, aussi froides alors que l'est de nos jours l'océan Arctique.

Désormais séparés du flot marin par des isthmes graduellement élargis, les grands bassins lacustres ({ui partagent la Suède en deux régions dis- tinctes se sont élevés avec l'ensemble de la contrée, et maintenant leur

' Axel Erilmann, Exposé des formations quaternaires de la Suéde.

- Von Biier, Bulletin de l'Académie des Sciences de Sainl-Pétersboury, toinc IV, 1802.

5 Slolpo, Rci'ue d'Anthropologie, tomo II, 5, 1&73.

' Svcn Livén; S.irs; Charles Marlins.

WKNKliN, WKTTl-UN. MAIAIIKN. 1'"

à ,rlui (le h uuT. lucn i|iic Ir lil «le la |«lii|Mrl d'cnliv ;m-(k-s(Mis ilr la smiiur de lii l!iilli«|uc. Lf Wi'iicrn, I.

liNKBN ET «l.TTKl

1 coniprciul à lui seul mi -lixiôuK'

plus vaste des lacs Scandinaves, puisqu'il conipie.ul a lu. seu. un u.

de toutes les eaux intérieures de la Scandinavie, est à l'altitude mnscnu. ... . , ■:,„. i.^c i.liiv; iimPiindes la sdlidc a

plus

U mMivs; mais dans ses ].nities les plu^ profondes la

102 NOUVELLE GEOGRAPHIE IINIVE[{SELLE.

mesuré 89 mètres. Comparé au Léman, le Wencrn est un réservoir de deux à trois fois plus considérable par sa contenance, mais il ne formerait que le quart du Ladoga. Le Wetlern, deux fois plus élevé que le Wenern, est aussi plus creux : le fond du lit, h 126 mètres, est encore de 58 mètres inf(h-iour au niveau des mers environnantes. Le Hjelmaren, plus rapproché de la Baltique et supérieur de 25 à 24 mètres seulement à la surface ma- rine, est le seul des grands lacs de l'ancien détroit qui n'atteigne pas dans ses profondeurs l'altitude du plan maritime : il n'a que 18 mètres dans les

parties les plus creuses de son bassin. Aussi pourrait-on le vider entière- ment dans le lac Mâlaren, en approfondissant le canal der jonction, et conquérir ainsi plusieurs centaines de kilomètres carrés : du moins tra- vaille-t-on à réduire de 2 mètres le niveau du lac et à le régler au moyen d'un barrage, qui laissera échapper au besoin plus de 150 mètres par seconde; grâce à ces travaux, des milliers d'hectares de terre seront sous- traits aux inondations '.

Quant au lac Malareii, il n'est pas encore entièrement séparé de la mer :

njnrkloii, HjcbnarCiankniiKjs-frciijan i sill nhlii shcde.

Wl'.NER.N, WMITKUN, MALAliKN. 11,1 KI.M \ li K N. Kir,

il rs| loiijdiirs -dllr |.ai- l'une de ses .Ali/'iiiih's cl (IUmikI les vciils d'rst

IICHI

le iiivi'Mii (les l'aiix laciislivs, un (•(iiiiaiil inailli

iipp^j'»,

lail iK'iK'livr nii peu d'cui saline dans la parlie ui'iciilalc du .Miilarcii. Avec. SCS iiouiiiiciiv (l('li-oils, SOS (rcizc reiUs ilcs, îlols ou iV'cils. celle iiici' irilc- rioiirc doil èlrc coiisidéive, non conmie nue seule nappe d'eau, tuais connue un ensenihic de bassins s('paivs ayani chacun son niveau pi'opro, légèrtMneni dillV'reul de celui des aulres. H se c(unpose en ivalilé de (jualrc biefs, disposés de l'ouosl à l'esl comme les de^ivs d'un escalier. i>e degré supérieur, qui est le bassin de Koping, est à nue lianleur 'moyenne dépas- sant de 74 centimètres le niveau de la Balliipie; le deuxième bassin, celui des fjords de Westeras, est à l'altitude de GO centimètres; la nappe ilu Bjôrkfjârd se trouve à la cote moyenne de 45 centimètres, tandis (pie le bassin oriental, qui baigne la ville de Stockholm, le Riddarfjârd, est d'un pied en moyenne, soit environ 29 centimètres, au-dessus de la Baltique'. Des asar ou levées de galets séparaient autrefois les divers bassins ; mais ils ont été rompus par la pression des eaux, et le dédale des criques du Miilaren s'est (rouv('' réuni en ini seul lac. Un courant fluvial, que les petites embarcations ne pourraient vaincre, et qu'il a fallu contourner par une écluse, se porte incessamment du Malaren vers la nier sous les ponts de Stockholm.

Outre les bassins lacustres de la Suède méridionale, on compte encoi-e dans le reste de la Scandinavie 55 lacs occupant chacun la surface de [)lus de 100 kilomètres carrés. Dans le nombre, il en est même plusieurs qui dépassent le Hjelmarenen étendue'^ : tels sont ceux d'où s'écoulent les prin- cipales rivières descendant vers la Baltique, le Toineâ Trâsk, le Luiea Jaui-, le Stor Âfvan, le Storsjô suédois, le Siljan, « œil bleu de la Dalécarlie ï ;

A. Ei-dmann, Expose îles formations quaternaires de la Suède. Pi'iiicipiiiix lacs ck' la Scandinavie :

Sm-raco. Allilui

Wcneni (Snède). . .

. 5568 kil. car

44 mclrcs.

90 mùtres.

Wetlern » . .

. 1899

88,2 1-

126 »

Malaren » . .

. 1163

0,74 »

59 »

LuleaJaur » . .

. 907 .

370

■?

Slor Afvan » . .

. 820

419

?

Tornca-trask n . .

. . 528 »

546

?

Slorsjo " . .

. . 500

500

?

lljelmaren » . .

. . 480

25,5 »

18 ,.

Siljan « . .

. . 556 »

169

128 ,.

Mjôsen (Norvège). .

. . 364

121

451 «

Alte Vand » . .

. . 269

516

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Rands-fjoid » . .

. . 131

130

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Tyri-fjord » . .

. . 131

6i

281 »

loi NOUVKLLE CKOCKAl'llIK L.M V KRSliLLL".

mais la pliiparl île cl's lacs, (''loi<;iu''s des refilons pdpiilciiscs, ii'oiil |ias encore élc explorés avec soin et la profondeur en est inconnue. Le plus grand lac de la Norvège, le Mjôsen, est l'un des mieux étudiés de l'Europe, grâce au voisinage de Christiania, et les fonds en ont été mesurés : dans la partie la plus creuse du réservoir on a jeté la sonde à 451 nièUt's. Le niveau du lac se trouvant à 121 mètres, la partie la plus basse du lit est à 550 mètres au-dessous de la surface maritime : ce bassiu d'eau inté- rieure, ancien golfe protégé des alluvions par les glaces qui l'emplissaient jadis, est resté plus profond cpie ne le sont la Baltique et la mer du Nord. En Iiivor, tous les lacs Scandinaves sont couverts d'une dalle glacée, qui se maiiilieiit pciidanl inic moyenne de cent à deux cents jours, suivant la laliludc (le la conhV'c cl la rigueur de l'hiver; mais il est très rare que ini'nic les vhuvj.s cl les pclils lacs sans profondeur gèlent jusqu'aux pierres (lu lit : peu de temps après que la première glace s'est formée, les nuages apportent d'ordinaire une lirande ipianlilé de neige (pii d(''fend les eaux profondes contre le froid et sauve ainsi de la mort les tribus des poissons. De longues fentes s'ouvrent çà cl dans la couche glacée et laissent péné- trer l'air dans le réservoir caché. Au piinlemps, le souffle des vents lièdes et l'agitation des flots rompent enlièrement la glace, des allées d'eau libre y serpentent à perte de vue, [)uis les glaçons intermédiaires diminuent peu à peu d'(''leMdue, el lii(Milôl les emliarcalions se hasardent sur le flot devenu libre.

Les lacs, fjords intérieurs, se dislingiient comme les fjords par la régu- larité géométrique de leur oiieiitation. Plusieurs se succèdent dans une même fissure ; d'autres se rencontrent ou même se traversent à angles brusques En examinant l'ensemble de la contrée, on voit nettement ces « traits d'incision » dont parle Kjerulf et qui découpent toute la Norvège méridionale en plaques inégales : on dirait une feuille de mica aux cris- taux indistincts. Suivant le croisement des traits, les lacs se groupent en figures diverses : c'est ainsi qu'à l'angle sud-occidental de la Norvège, ils limitent des espaces triangulaires (voir la figure 27) ; dans le Telemar- ken, ils forment un bizarre polygone (voir la figure 28) la direclion de chaipie incision se trouve représentée jiar un vcDul iVonu pure.

Les rivières alimentées par les innumhialiles lacs de la Scandinavie consistent elles-mêmes pour la plupart en un enchaînement de lacs île toute forme et de toute grandeur, tantôt se rétrécissant entre deux parois, tantôt s'épancliant au loin dans les campagnes en baies et en lacs latéraux.

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ivmiics dans la iiéiiiusulo : les pluies sont Ibiles sur luul le versaul iiccidenlal el dans la région des sources, le sol rocheux ne laisse guère |)én(''ln'i- d'eau dans ses profondeurs, el sous le climat humide l'éva- |iniali((u est l'elalivcmont faible. Comparée à la France, la Scandinavie

lil<' d'eau 11

superieiiiv en pro-

Kir, !\()i:\ELLK (•.K(J(;i!Al'llli: I MNKRSKLLE.

jMiilioM : (III jn'iiL cil jiiyvr [lar le drltit do ceux drs llciivcs peu iioiu- brcnix qui oui étô déjà mesurés. Toulofois il n'y a point dans la pénin- sule Scandinave de cours d'eau de la puissance du Rhône ou de celle du lUiin : le relief de la coiilrée n'a [las permis à un f;rand bassin de se dévelop[ier. Sur l'un des versants, les cours iTeau de la Xorvcue, à peine éclia|)pés aux glaciers ou aux névés, sonl reçus par les ijords; sur l'anlre versant, les rivières suédoises, entraînées direclemciil vers la IJal- liipic par l'inclinaison du terrain, ne peuvent se réunir en im seul (ronc lluNial. Celles qui s'épanchent dans le golfe de Botnie occupent des val-

lées presque parallèles les mies aux autres, loiiles inclini'es vers le sud- est, suivant la pente générale de la contrée et dans la direction piisc au- trefois par les glaciers. Dans la Suède méridionale, les Caiix layonneiil dans tous les sens vers les golfes environnants : aucun, si ce n'est le Giita- cll', ne réunit à la fois des eaux venues de la [daine et descendues de la montagne.

Le fleuve le plus abondant de la Scandinavie, le Glommen, coule en Norvège : il se déverse dans les eaux orientales du fjord de Christiania, qui reçoit aussi le Dramms-elv, celui de tous les cours d'eau Scandinaves qui a le plus changé la forme primitive de sa vallée par l'apport des allu- vions : les terres qu'il a déposées ont comblé déjà une partie considérable

RlVlKliES 1)K L.V SCAMMNWl

107 10 iiifri'iciir

lin -imikI lac Tyii-ljonl (voir li-iiiv 2ÏÏ). I.c (lola-clf csl (Ml [)orlvi', i>ià(0 à la masse d'eau (jiio lo Weiiciu reçoit du Klar-ell'el de ses autres arflueuts et (lu'ii dévorso au sud pai" Fémissaire de Weuersborg; mais il fut un temps le lirand lae F.TUiund, qui s'écoule maintenant au sud

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par le Klar-elf. et cpii est par conséquent un tributaire du Kattegat, s'épan- eliait au sud-est par le Dal-elf, envoyant ainsi ses eaux vers le golfe de Botnie : l'ancien lit de la rivière, le Fœmunsgrav, se voit encore à un ou

' Elc en iioivéf,'ien, elf en suédois, ont le sens tlo fleuve. L'usage veut que l'article en soit ajouté au ncim do certains cours d'eau, presque tous de faible importance. Ainsi les deux ruisseaux de (!lirisliania sont appelés Akers-elven et Lo-elven. En Suède, le fleuve Klai' est d'ordinaire désifjné pai- II' mim de Klar-clfven. On dit aussi Dal-elf et llid-eUVen.

10S NOIiVKLLI- r,ÉOGr,.\PHIf: IMVKRSELLE.

doux iiK'Mros aii-dossns du iiivoaii aclind du lac'. Mais si le (iola-cif élail jadis privé dos eaux du lar Fa?mund, il iwiil d'autiv part tinilos les eaux

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du Glommen t'I sou volume se Irouvail eu conséquenee plus que doublé. Au pied de la cnlliue (pii j)orlc le bourg de Kougsvinger, au uord-esl de Chris- liaiiia. le (llouiiucu lnuriie brusquement à l'ouest; jadis il eontinuait

0. .1. Rroch, ijC roiitnimc de Norvège et le peuple nm-viUpen.

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t^nalcmcul vers la druile cl descendent au Wciicni |iar des vallées appar-

tcnanl jadis à (Faulrcs c s d'eau. Le Frykon allai! se jelcr dans le lac

se li-ouvc (le nos joins la \ille de Carlstad ; il enirc mainlenani dans le Weiicrn à un(^ \ini;laiue de kilonièlrcs plus à l'ouest. Le Klar-elfven, qui emprunic aclnellenienl raucicu lil du Fryken, passai!, par une étroite vallée emplie de lacs (pii continue exactement au sud-est la vallée supé- rieure", (le déplacement de liois ileiives parallèles dans la direction de ronest semble iiidiipier une impulsion latérale provenant sans doute d'une léffère oscillation du sid. C'est ainsi (pie la Yistule, l'Ellie et l'Odei' ont dévié de leurs valK'cs |iriinilivcs.

Au nord du Dal-elf, appauvri et grossi tour à tour par ces petites rcvolulions jiéolo^i(pies. si nonilirciises en Scandinavie, les principaux llciives (lu Norriand sont reinar(pialdes par une singulière égalité d'al- lures et de déldt ; ils sont aussi à peu piès égaux les uns aux autres par la surface de leur Itassin, |»ar la nature du sol qu'ils arrosent et par la quantité d'eau de pluie (|u'ils reçoivent : Ljusna, Ljungan, ludals, Angerman, Umeii, Skellefteâ, Piteâ, Lulea, Kalix, Torneâ% se succèd(Mil ainsi du sud au nord en versant dans le golfe de Botnie une masse liquide que l'on doit évaluer pour tous ces fl(Mives à plus de 2000 mètres cubes. Chacune de ces rivières se prolonge au bun dans la mer par son courant, mais les flots du golfe botnien étant à peine saumàtres, on ne peut guère remarquer à ces embouchures fluviales le contraste que l'on observe, sur l'autre versant, aux bouches du Gôta-elf et du Glommen. Au-dessous des eaux douces du Gôta-elf, que l'on voit couler jusqu'à une grande distance dans le Katl(>gat, l'eau du golfe reflue en sens inverse : à plusieurs kilo- mètres en amont de Gôteborg, on recueille encore l'eau salir de la mer au fond du lit fluvial '.

Les rivières de la Scandinavie sont pour la plupart mieux régb'cs dans leur débit que les fleuves de rKiirope continentale, grâce aux lacs (pi'elles traversent dans legr cours et ipii en ('galisent les crues. A la lin d'avril

' Tôrncbohm, Noies manuscrites.

'- On (l'Ciil aussi Uinc-clf, Sttellel'lc-L'lf. l'ile-e)l, L(iie-cir, Tiirne-elf.

'• Ekinnii, On ihe gênerai causes nj llie orcnn ciirrenls.

110 NOUVELLE GÉOGKAPlllE UNIVERSELLE.

ol en in;ii, los neiges qui fondent au premier soleil du prinleinjis, puis en automne les grandes pluies qu'amènent les vents d'ouest, élèvent le niveau des lacs; mais, en recevant le trop-plein des eaux, ces lacs éga- lisent le débit des émissaires, le réduisant pendant la saison des crues, pour le soutenir ensuite pendant les sécheresses. L'écart annuel du ni- veau, dans les bassins lacustres, varie d'un à quatre mètres; mais on a vu parfois les crues monter beaucoup plus liaut par l'effet des éboulis qui barraient les courants de sortie : c'est ainsi qu'en l'année 1795 le Vormen, qui emporte l'excédant des eaux du Mjôsen, fut barn^ complè- lemont par une chute de rochers; pendant tout un hiver on put traverser le Vormen sur les rochers desséchés du lit cl le niveau du Mjôsen s'éleva de sept mètres'. L'étranglement de la plupart des vallées à l'issue des lacs a permis d'établir en beaucoup d'endroits des barrages qui règlent complè- tement le débit des rivières en lui donnant en chaque saison l'importance voulue pour les usines ou pour la batellerie. De même que les crues, les débcàcles sont rarement dangereuses, car tous les fleuves abondants de la Scandinavie coulent dans la direction du sud ; lorsque la dalle glacée, qui pendant tout l'hiver a servi de chemin, vient à se rompre, ce sont d'abord les glaces voisines de l'embouchure qui se détachent, et la débâcle se fait successivement du sud au nord, sans que des embarras de glaçons viennent se former aux étroits des rivières.

Mais, quoique réguliers dans leur régime, les coui's d'eau de la Scan- dinavie ne se prêtent à la navigation qu'en un petit nombre d'endroits, soit vers leurs bouches, soit dans le voisinage des lacs qu'ils traversent. La forme rudimentaire des vallées fluviales, encore disposées en gradins, est favorable à l'industrie, qui cherche des forces motrices, mais elle ne convient pas aux intérêts du trafic : à chaque barrage naturel, les bateaux sont arrêtés et si d'audacieux rameurs osent descendre les rapides, c'est au péril de leur vie. Tel cours d'eau, coulant par étages successifs et coupé de lacs à chacune de ses terrasses, semble n'avoir pas conquis son individualité ou même se trouve entremêlé à d'autres baS'sins. Ainsi le Torueii-elf appartient en réalité à deux bassins fluviaux : par un de ses bras, le Tarandô, qui coule en serpentant dans une dépression maréca- geuse, il s'unit au Kalix-elf ; i)ar l'autre, il rejoint le Muonio-elf, tronc principal du fleuve qui, sous le nom de Tornea, sert jusqu'à la mer de frontière commune à la Suède et à la Russie. Enfin, un très grand nombre de fleuves se bifurquent avant de se jeter dans la mer, non autoin- d'îles

' Ed. Erslcv, Geofiiafi.

LE SKJ.ECCEDALSFOSSEN. DISTT

Hinii, d'apn'"^ niin |iliiilnf,'r:ipiii'' i\o M. Km

niVlKltl'S \)V. LA SCANniNWIR. ir>

;illiivinl(<s. nmis .uildiir ik' massifs ruclictix : leurs diiaiiKilidiis sdmI d'aii- ciciis (K'Iniils marins cliaiiLjc's en lils d'eau coiiraiile. Ôii |1(MiI citer en <'\em|)le le (lola-ell', eiilouraiil de sa douMe emlioiicliiire la faraude île do llisingen.

La principale beauté des eaux couranles de la Scandinavie leur est donnée par les rapides et les cascades. On peut dire que sur le versant norvégien tous les ruisseaux se précipitent plutôt qu'ils ne descendent vers la mer : on voit en maints endroits des gerbes d'eau, tombant du haut des roches nei- geuses, réunir leurs filets à plusieurs centaines de mètres plus bas dans les valh'es; même quelques rivières abondantes de la Norvège plongent d'une liauleur de plus de cent mètres. Non loin de Trondhjem, le Vorings-fos ', ipii s'abîme dans un gouffre en une seule nappe de 144 mètres de chute, n'est visible en entier que pour les hardis voyageurs qui se penchent au- dessus des corniches vertigineuses ou qui se suspendent aux saillies des rochers; mais de loin on peut voir les vapeurs qui s'élèvent en nuages, et le reflux de l'air entraîné gronde en un tonnerre incessant. Le Rjnkan- l'os, formé par un affluent du Skien-elv, dans la région méridionale de la Norvège appelée le Telemarken, a 245 mètres de hauteur verticale : du haut des rochers situés en ftice des chutes, on contemple l'immense bouillon- nement des flots qui s'entrechoquent et les nuées d'eau brisée qui montent dans le cirque, voilant à demi la base des deux grandes nappes de la cas- cade ; un rocher insulaire, uni à la surface et couvert de gazon, ombragé de quelques arbrisseaux, surplombe la chaudière écumeuse. Bien infé- rieure par son élévation, puisqu'elle a seulement 21 mètres, mais beau- coup plus considérable par le volume de ses eaux, est la cataracte du Glommen, le Sarps-fos, où, même en hiver, une masse de 100 à 150 mètres cubes, s'échappant de dessous une dalle de glace toujours frémissante, se |irécipite en plusieurs cascades pour aller, en aval des rapides, se perdre de nouveau sous une couche glacée; en moyenne, l'eau qui s'enfuit par seconde à la chute de Sarp est de 800 mètres cubes, plus du double de la quantili- d'eau qu'emporte le Rhin au-dessous de Schaffhouse : du haut d'un pont de chemin de fer nouvellement construit, on voit à ses pieds l'ensemble des chutes, avec les cascatellcs latérales, et le remous des eaux apparaissant çà et au-dessous du nuage de vapeur. Quoique peu éloignée de Christiania, la cascade du Glommen, la plus puissante de toutes celles de l'Europe, est moins connue que celle du Gôta-elf, visitée par

' Fus. fossen. en norvégien, a le sens de rapide ou de cascade; le mol suédois fors s'applique seulement aux rapides.

114 NOUVELLE GEOGRAPHIE UNIVERSELLE.

tous les voyageurs qui se rendent de Gôteborg au lac Wencrn : c'est la fameuse chute de Trollhâttan ou du « Bonnet de Sorcier », qui descend de 55 mètres en trois bonds successifs, enfermant des rochers verdoyants entre ses eaux fuyantes. La force motrice du Trollhâttan, évaluée par les mécaniciens à 225 000 chevaux-vapeur, est en partie utilisée par l'indus- trie, mais les usines n'empêchent pas l'accès de la cascade presque com- plètement, comme aux bords du Sarps-fos.

Sur le versant de la Baltique, la pente plus allongée du sol n'a pas permis aux fleuves de tomber en cascades aussi élevées que celles du ver- sant occidental ; néanmoins il en est aussi de très imposantes. Ainsi le majestueux Dal-elf, qui dans toute sa partie inférieure n'est guère qu'une succession de lacs, se rétrécit tout à coup à Elf-Karleby, et, divisé en deux bras, s'écroule en rapides d'une hauteur totale de 15 mètres pour entrer bientôt après dans la mer. Le Skellefteâ et le Luleâ ont aussi de puis- santes cascades et des rapides. Au Njommelsaskas ou « Saut du Lièvre », le Luleâ s'élance en un jet d'une paroi de plus de 80 mètres, sur une lar- geur de plusieurs centaines de mètres, et plus haut un lac, séparé d'un autre réservoir par un simple seuil, se déverse bruyamment en une cata- racte de 42 mètres : les Lapons donnent à ce lac tomliant le nom d'Adiia- muorkekortje ou « Grande Chute Nuageuse ».

VII

Le principal courant des côtes norvégiennes se porte, on le sait, dans la direction du sud-ouest au nord-est. Les eaux tièdes venues des parages tropicaux viennent frapper les bancs extérieurs de la péninsule Scandinave en lui apportant parfois du bois des Antilles et des graines que les Lapons recueillent soigneusement pour s'en faire des amulettes'. La marche des eaux vers la Norvège septentrionale est un phénomène si connu, que lors- qu'un objet est tombé d'un bateau, les marins parlent plaisamment d'aller le « chercher à Berlevaag », c'est-à-dire à l'extrême pointe orientale de la Laponie. Ce courant d'eau tiède donne son climat à la Norvège et au peuple norvégien son commerce, son industrie, sa nourriture de chaque jour, la vie, pourrait-on dire, car, sans l'afflux des eaux tropicales, les bords des fjords resteraient inhabités, obstrués par les glaces. La péninsule Scandinave forme avec le Groenland la porte marine qui fait communiquer

' Schiiheli'r, Pflnnzciiirelt Norwegens.

ci.niAr 1H-; la sc.vMn.NAviii. lU.

l'oivaii Atlaiili(|U(' cl l'oo'-aii (iliicial ; mais, à laliliidr ('-aie, (jucl coiilraslc (le climat oiilrc les deux (•(iiili-(Vs t(iri-('s|i(iii(ianl('s ! ll'im côh', les f;laces el les lUMiivs: (!<• Taiiliv, siirloul les lirouillanls ci les |iliiics. Dans la grandi' ilc occidciilak-, pas un seul arbre; dans la jM'iiinsulc de l'est, de liaules fortMs, des vergers de pommiers, de poiriers, de pruniers, de ceri- siers, des jardins, la vigne même csl cultivée en espalier sur des couches d'engrais! Et pourtant une partie de la Scandinavie, que l'on peut évaluer à 155 000 kilomètres carrés, est déjà comprise dans la zone polaire, et pendant l'hiver la nuit s'ajoute à la nuit en ténèbres continues. En été, au eonlraire. le jour qui meurt se confond avec celui qui naît. Des montagnes de Finmark, on jouit du spectacle étonnant que présente à l'époque du solstice d'été le soleil de minuit rasant l'horizon et remontant dans les cienx. Du haut de la cime d'Avasaxa, qui domine le cours de la Torneâ, non loin du cercle polaire, on voit le soleil décrire quinze fois, du 16 au âOjuin, un cercle complet dans l'espace; tandis qu'on reste baigné dans la lumière du soir, on aperçoit à ses pieds toutes les régions du sud recou- vertes par le grand manteau de la nuit ; les montagnes neigeuses, au lieu de refléter une lumière blanche, resplendissent des couleurs écla- tantes où se mêlent le pourpre du couchant et le vert délicat de l'aurore. Avec les grands lacs, les tourbières sans fin, les montagnes toujours nei- geuses, les tempêtes et la mer sans limites, ces longues journées, alternant avec les longues nuits, contribuent à donner à la vie de la contrée son expression sévère et grandiose, qui la fait tant aimer de ses habitants.

La forme du littoral norvégien contribue pour une part notable au réchauffement de la contrée. La température de l'eau dans les fjords et jusqu'au fond de leur cuvette est plus élevée que ne l'est c die de l'atmosphère ambiante pendant la moyenne de l'année '. On aurait pu croire que dans ces abîmes, comme dans ceux de la mer, le thermomètre aurait à traverser des couches lourdes et froides rapprochées du point de glace ; mais les recherches faites par le professeur Mohn ont prouvé que ces bassins sont

Température des (jords et de

Eau i.rur.iKls

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H6 NOUVELLE GÉOGRAIMIIE LMVEUSELLE.

R'iiiplis d'une eau relativement tiède : en janvier, il y a jusqu'à 15 degrés d'écart entre l'air de la surface et la masse liquide des profondeurs. Cette haute température des fjords provient de la disposition de leurs bassins. Ne communiquant avec la haute mer que par-dessus des seuils immergés, ils ne reçoivent de l'Océan que de l'eau tiède apportée par les courants du sud-ouest. Directement à l'ouest, sous les mêmes latitudes, dans les mers des Farôer et de l'Islande, les eaux profondes ont une température infé- rieure au point de glace ; mais ces couches liquides ne peuvent pénétrer dans les fjords, défendus par leur rebord de rochers ; jamais ces bassins ne gèlent, si ce n'est au bord des rivages les plus éloignés de la haute mer. Ainsi tout le littoral de la Norvège se trouve, pour ainsi dire, pourvu d'un immense appareil de chauffage par ces réservoirs extérieurs, emplis d'une eau supérieure de plusieurs degrés à la température normale. Si les seuils placés à l'entrée des fjords disparaissaient soudain et per- mettaient ainsi la libre entrée des eaux froides dans les golfes de la Scan- dinavie, un grand changement se ferait aussitôt dans le climat, comme si la péninsule tout entière s'était déplacée de plusieurs degrés dans la direc- tion du pôle'.

Le régime thermométrique des eaux du liUoral norvégien présente un remai'quable contraste suivant les saisons. En été, en automne, la tempé- rature diminue de la surface au fond, tandis qu'en hiver la chaleur de l'eau s'accroît graduellement en proportion de la profondeur. Ce renverse- ineul des températures, qui s'accomplit de l'une à l'autre moitié de l'année, est à l'influence de l'atmosphère. Pendant la belle saison, l'air est plus chaud que l'eau sur laquelle il repose : il attiédit donc les couches su|ierficielles de l'Océan, et cette chaleur se transmet de haut en bas, mais lorl lentement,